La grue jaune et la Loire.
Ce samedi à Nantes et sur certains péages autoroutiers « libérés » des marchands de bitume par des Gilets Jaunes, il s’est passé des choses qui augurent que les samedis chauds ne sont pas finis. Cet état de fait est la conséquence d’une méconnaissance de la psychologie des foules du pouvoir macronien.
Entendons-nous bien, il ne s’agit pas de faire le procès du pouvoir. Ce serait facile. Le dossier est accablant, le déséquilibre est flagrant entre les quelques pourcents de super riches et le reste de la population, ni même de faire le procès de la police. La police et le pouvoir ont fusionné, le dernier approuvant la première, quoi qu’elle fasse.
Il s’agit d’une faute grave, un casus belli que Machiavel n’aurait pas pardonné au Prince.
Il ne saurait y avoir de mensonge légitime, défendable ou même excusable dans la vie publique, parce que le mensonge dont les citoyens sont victimes de la part de leurs dirigeants met en cause les fondements mêmes de la démocratie représentative…
Mais l’illusion de la démocratie ne peut être maintenue que dans le refoulement du problème !
Un gouvernement avisé sait quand la vérité est plus utile que le mensonge. Macron et Philippe ne le savent pas. Le président se dit qu’une action politique est impossible avec une morale qui interdit le mensonge, alors même que chacun ou presque reconnaît la nécessité pour les gouvernants de recourir à la simulation et à la dissimulation !
En politique on peut tout dire, la chose et son contraire. Les faux témoins, les abusés volontaires et involontaires, la duplicité de la presse, les calculs sur les effets du mensonge des ministres, tout y conduit. Les temps longs propices à l’oubli donnent à ceux qui tirent les ficelles au-dessus de la mêlée, le pouvoir du croupier de casino, à qui les règles du jeu octroient d’office plus de chance de gagner que le joueur.
Le tout est de savoir jusqu’où on peut mentir, sans mettre en danger l’édifice.
Le cas de Nantes est un cas d’école.
Une fête de la musique arrêtée à coups de lacrymogène, de charges de la police matraque levée sous prétexte que l’arrêt de la musique fixé à 4 heures du matin ne l’était pas encore à 4 heures vingt, sur un quai de la Loire sans garde-fou, la disparition de Steve Maia Caniço, la fausse enquête ou l’enquête bâclée de la police des polices disculpant leurs collègues, le discours de Philippe blanchissant les forces de l’ordre, le dessaisissement des deux magistrats nantais de la suite judiciaire de cette noyade et enfin le silence de Castaner à propos de l’enquête du ministère de l’intérieur sur ceux qui ont commandé ce « maintien de l’ordre », les fautes sont trop visibles, les circonstances trop aggravantes pour que le gouvernement arrête de mentir et dise la vérité.
Mieux, en poursuivant ses mensonges, il va entraîner dans la réprobation quasiment générale, la presse en voltigeur de Macron, dans le combat qu’elle mène contre les gens.
Il y a des moments où les circonstances commandent au pouvoir de dire la vérité. Cette situation est tout à fait étonnante de la part de quelqu’un qui se prétend fin politique. Elle peut signifier de la maladresse, après tout, Macron est nouveau dans le métier. Ses tromperies sont trop grosses pour rester invisibles. Le choix de Castaner fait partie des maladresses. On ne demande pas à un voyou repenti de faire le ménage de la République. Le fond remonte quand les circonstances sont propices.
L’autre hypothèse est plus pernicieuse et aussi vraisemblable. Ce serait l’histoire d’un jeune banquier enivré par le pouvoir suprême, disert et intelligent, assimilant avec aisance les sciences politique et économique, conquérant téméraire, faisant d’une femme de quarante ans, mariée avec enfants, sa maîtresse, alors qu’il en avait seize, comment douterait-il de lui-même ?
Le premier de cordée, c’est lui. Il n’a pas d’ami, rien que des courtisans. Sa femme paraît être son seul conseiller, une bourgeoise qui triche sur sa nature conservatrice en comédienne de théâtre, pour être ce qu’elle n’est pas, progressiste au premier acte et vivandière de la police au deuxième, une Madame Sans-gêne, pièce ou Bonaparte tire l’oreille de ses grognards, comme Macron la joue de Gérard Collomb, le jour de son Austerlitz, à l’Élysée.
Et si la faute dénoncée anticipativement par Machiavel est celle-là et que Macron croit avoir raison contre tout le monde, les quais de la Loire, les charges policières, les Gilets Jaunes terribles présences tous les week-ends dont il a fait son challenge, alors oui, la France est en danger et le peuple français n’a plus rien à attendre de cet homme-là, mais tout à craindre !
Qu’ils viennent me chercher a-t-il dit un jour de bravade pour défendre son serviteur Benalla. Injonction fanfaronne ou supplique, oui, on aurait dû aller le chercher ce jour-là.