Le style Léopold II
On aura beau chercher, remonter le cours de l’histoire, il n’y a que dans les asiles d’aliénés qu’on trouverait un nouveau premier ministre d’un gouvernement non élu !
Il s’agit de Sophie Wilmès, héroïne d’un scénario de Charles Michel. L’idée derrière la tête était de dissuader Sophie à candidater la présidence du MR. Il projetait pour elle un autre destin, peut-être en accord avec le roi, la destiner à la chefferie des affaires courantes.
L’électeur ne supporte plus les grosses coutures du tissu politique rafistolé,. Il a l’impression que quoi qu’il dise, l’élite dirigeante ne lui prête plus aucune attention.
D’un sens pratique, Sophie Wilmès est neuve politiquement. Personne ne la connaît et, par les temps qui courent, cela peut être un avantage. On ne peut l’atteindre que parce qu’elle est « a heroic comic» libérale du système. On sait aujourd’hui que le système va dans le mur. Le reste relève du surréalisme, une période de l’art absurde inventé par la Belgique.
Le gouvernement fond comme neige au soleil. Les survivants attrapent au passage tel ou tel ministère abandonné. L’un ou l’autre survivant quitte à son tour le ponton, et ainsi de suite. Les tribulations de Didier Reynders ces derniers mois sont irrésistibles, vice-premier ministre, ministre des affaires étrangères, Reynders ajoute la Défense aux Affaires étrangères, en même temps le roi le nomme informateur ! Comme son ambition, c’est de filer à l’Europe, il prépare son dossier, c’est-à-dire qu’on ne le voit que très rarement vaquer à ses fonctions.
Sur les mêmes tréteaux d’une zwanze bruxelloise, un autre vice-premier ministre, l’Open Vld Alexander De Croo devient ministre des Finances, Pieter De Crem (CD&V) devient ministre de l’Intérieur et Maggie De Block (Open Vld), ministre de l’Asile et la Migration, en plus de leur ministère de départ.
Le roi ajoute au panier de la ménagère Geert Bourgeois et Rudy Demotte préformateurs, en remplacement des informateurs. On n’est pas encore aux liquidateurs, mais au train où ça va !
Comme au cinéma, on est gâté !
Le Belge moyen en déduit sans peine que faire ministre d’un, de deux, voire de trois ministères n’est possible que parce que l’on n’y fait que de la figuration et que c’est se moquer du monde que de rétribuer les ministres, comme s’ils étaient utiles à la Belgique.
Leur attribuer un salaire moyen de fonctionnaire et leur fournir deux ou trois beaux costumes par an nous feraient gagner des millions d’euros. Charles Michel a toujours fait la chasse au gaspi dans les aides utiles aux citoyens, ce serait l’occasion à Sophie Wilmès d’élever le regard et de porter le fer parmi les intouchables du système. Un gouvernement à trois ou quatre ministres, ce serait parfait.
Elle ne le fera pas, parce que c’est une MR et que tous les MR vivent plus ou moins des fastes d’une Belgique qu’ils ont façonnée à leur profit. Les économies pour eux ne se justifient que sur ceux qui ne savent pas se défendre, dans ce pays ranci de fariboles bourgeoises.
Le style MR, finalement, c’est le style Léopold II, celui qui plaît le plus à l’époque décadente.
Sophie Wilmès, la libérale francophone, est dans un intérim qui durera. Elle pourrait réclamer un contrat à durée indéterminée, comme dans le privé. Cela éviterait au moins des notes salées autour d’élections dispendieuses et d’informateurs tous les cinq ans.
On se rappelle, avant les élections de mai, que la Belgique était déjà sans gouvernement. La N-VA s’était tirée à l’aventure de Marrakech. Bart De Wever affolé de la poussée du Vlaams Block, redoutait des accords sur l’accueil d’étrangers.
Dans quelques semaines, cela fera un an que notre pays n’a pas de gouvernement.
Tellement les gens se sont détachés de ces grotesques péripéties, l’historique en est floue. Sophie Wilmès aura du mal à se faire connaître. En assimilant les ministres à des potiches agrémentant les cheminées, on a enfin une femme première-ministre, voilà du nouveau dans la porcelaine !
Le trou dans le budget continue de grandir, au point d’atteindre les 11 milliards d’euros. On pourrait en attribuer la faute à Michel, trop tard, il s’est tiré ailleurs. Et puis on sait que les ministres ne sont responsables de rien et qu’on ne démissionne plus aujourd’hui, quand on fait une connerie. Tout le monde s’en fout.
Reste une solution : pupille de l’Europe ! On se ferait adopter à cause de notre incapacité à nous prendre en charge… sauf que nous aurions des parents irresponsables aussi !...
On ne sort pas du style Léopold II facilement. Il me semble même que cela gagne l’Europe !