Les vœux 2020.
J’oscille entre Macron et Marine Le Pen pour situer Bart De Wever dans une comparaison avec un politicien autrement connu : Macron, avec le peu d’estime de l’universitaire flamand pour les classes sociales en-dessous de la sienne, et Marine Le Pen, comme animateur d’un parti nationaliste.
Bourdieu avait déjà observé dans « La distinction » ce qu’un cursus universitaire développe comme supériorité supposée, d’où découle une complète confusion de la valeur du diplôme et de la valeur de l’individu, dans sa qualité humaine et l’élévation de sa pensée.
Le bourgmestre d’Anvers n’est pas seul en cause. Le mouvement libéral, socialiste compris, est dans la même confusion, le nationalisme flamand de Bart De Wever pourrait très bien s’accommoder de la la royauté, par un patriotisme d’intérêts « il faudrait fermer les frontières pour arrêter les flux migratoires ».
Les comparaisons ne s’arrêtent pas là. Pour Macron, on convient qu’il s’agit d’un débutant malhabile dans la politique. Pourrait-on imaginer la carrière politique qu’aurait effectuée Charles Michel, s’il n’avait pas eu Louis pour père ?
Avoir de la pratique en politique, c’est au moins inventer une rhétorique du raisonnement, feindre d’être compatissant à la détresse des pauvres, et pouvoir énumérer devant un intervieweur les difficultés de vivre avec moins de mille euros par mois, quand on en gagne dix ou quinze fois plus. C’est promettre de mettre fin à la « fracture sociale », comme le fit pendant son dernier mandat Jacques Chirac, sans pour autant avoir jamais mis en place aucune mesure allant dans ce sens.
Ce serait tromper doublement le peuple, direz-vous. Croyez-vous que c’est l’argument qui les retient de mentir et de jouer les hypocrites ?
Ces hommes politiques ne disposent pas d’un potentiel intellectuel qui leur permettrait d’au moins mettre le doigt sur les blessures du peuple. Ils en sont incapables, parce qu’ils ne les voient tout simplement pas !
Ils ont appris à l’école qu’ils appartenaient aux catégories socio-professionnelles supérieures, deviendraient chefs d’entreprise ou ministre. Leur formation ne les prédisposait pas à comprendre les « gilets jaunes ».
Lorsqu’on entend Macron, on a compris Georges-Louis Bouchez, quoique le premier soit infiniment plus « capé » et intelligent que l’avocat de Mons. Si on pouvait encore parler à des inconnus sur des bancs d’un square, entrer en conversation avec un voisin sur un tabouret de bar, échanger quelques mots avec la dame qui promène son teckel, faire la conversation sur un trajet de bus avec un voyageur assis sur la même banquette, il y aurait unanimité de la perception du peuple de la rue sur la morgue sociale dont font preuve du patron à l’élu, tout un monde qui s’est forgé un destin meilleur par la supériorité supposée dont il fait preuve, qui n’est, dans la plupart des cas, basé sur rien d’autre qu’une notoriété de la valeur d’un galon, sur la manche d’un militaire.
La conceptualisation du mépris des classes populaires a une longue histoire. Elle n’est jamais apparue aussi réelle le jour où le PS-libéral s’est débarrassé de son statut de parti de la lutte des classes et jeté au panier la charte de Quaregnon définissant les objectifs du combat social.
Cette démarche, on peut la comprendre de la part de ceux qui pensaient avoir légitimement le droit d’intégrer la classe supérieure en donnant suffisamment de gages à la société dans les mains des commerçants qui la gèrent.
Elle n’est apparue comme une trahison que bien après avoir été décidée. Cette faute gravissime du PS apparaît aujourd’hui comme une tache qu’ils auront difficile d’effacer.
Elle leur interdit notamment de comprendre les rationalités qui sont au principe des modes de vie populaires. C’est d’ailleurs l’insensibilité à la place occupée par la voiture dans le quotidien des gens, que la rébellion à soulever la moitié de la France, celle d’en bas, aux samedis de lutte des Gilets Jaunes.
En réduisant la liberté de se déplacer, de perturber gravement l’économie du travail-loisirs et de sociabilités, surtout chez les « ruraux », que Macron a pris sa première grosse claque.
Les classes populaires subissent tous ceux qui les prennent pour « objet », à l’école, au travail, sur leurs lieux d’habitation, dans leurs loisirs, dans la vie sociale. Cette réduction au statut de « mauvais objet » structure l’ensemble de notre vie sociale.
L’université forme aujourd’hui « du tout éclectique » avec un manque « d’hybride ». Elle est en partie responsable des imbéciles instruits qui veulent enrégimenter le peuple au sauvetage du capitalisme. C’est comme si Adolphe Hitler devant la progression de l’Armée Rouge ouvrait les camps de concentration, armait les prisonniers et leur intimait l’obligation de monter en ligne, pour sauver le Reich !
Elles sont quand même bien connes, nos élites, de penser que c’est possible !
Voulez-vous que je vous dise, en cette fin d’année et en vertu de la tradition des vœux pour 2020, si cette société subie et non voulue ne produit plus que du malheur pour le plus grand nombre et du bonheur pour ses élites, alors qu’elle crève et le plus vite sera le mieux.