L’aporie de la Belgique.
Charles Michel n’a pas pu faire un gouvernement sans la N-VA. Idéologiquement, le MR de Georges-Louis Bouchez est aussi proche du nationalisme flamand que l'ancienne présidence, car en-dessous de l’appartenance linguistique au Nord du pays, le fond libéral de droite est identique au Nord comme au Sud.
Comment faire un gouvernement qui allierait à la fois une politique sociale dont le PS a besoin pour ne pas s’effondrer aux prochaines élections face au PTB et une N-VA nationaliste à relents racistes, foncièrement de droite ?
Michel n’a pas vu de racisme chez ses associés, rédhibitoire à une entente droite flamande et droite wallonne, parce qu’une autre politique lui fermait son ambition d’être premier ministre. C’est aussi bête que ça, ce dont Magnette s’est aperçu.
On découvre à l’occasion de l’intérim de Sophie Wilmès que Charles Michel était bel et bien contraint d’adhérer aux dérives de la N-VA, en fermant les yeux sur les incartades racistes de Theo Francken. Comme les deux partis associés voulaient en découdre avec le social, ce fut ce qui les unit le plus.
Michel est tombé sur l’affaire de Marrakech concernant l’immigration. De Wever ne pouvait pas adhérer de crainte de se faire dépasser par Theo Francken, notamment. Pire encore, il est même contesté par plus raciste : le Vlaams Belang, qui progresse en se nourrissant des électeurs de la N-VA. Comme si De Wever n’avait pas assez fourni de preuves qu’il est des leurs !
D’ici à ce qu’on décrète que le Vlaams Belang n’est pas raciste pour l’embarquer dans une aventure fédérale, sinon, en faire profiter la N-VA qui se verrait moins prise au collet par le Vlaams Belang, parti « frère » scindé entre des racistes flamingants et des fascistes nostalgiques, il n’y a qu’un pas.
On comprend que Magnette ait de la peine à endosser le veston de Charles Michel.
Bart de Wever pas raciste ? Cela arrangerait le roi et les partis de consensus. C’est de cela qu’il s’agit dans cette chronique. Revenons à une interview de l’intéressé pour comprendre ce qu’est « son » antiracisme.
Sur la chaîne publique flamande, Bart De Wever a parlé du racisme et des discriminations.
« Je ne vais jamais nier que cela existe, et nous devons lutter contre ça. » dit-il, c’est à peu près ce que tous les racistes disent en préambule, sous entendant : « Je ne le suis pas, mais il faut prendre conscience que cela existe ».
Après s’être dédouané, son fond raciste lui remonte des tripes. Il encense les immigrés asiatiques, immigrés modèles, courageux et sans problème, pour tout de suite en venir à ce qui le travaille « En revanche, nous avons énormément de difficultés à organiser la mobilité sociale dans la communauté berbère d’Anvers, qui représente 80 % de la communauté marocaine de la ville. C’est une communauté très fermée, qui éprouve une grande méfiance envers l’autorité, au sein de laquelle l’islam est très peu organisé, et qui est très sensible aux thèses salafistes, à la radicalisation. Il faut que tout le monde fasse un effort, notamment pour chercher du travail. Or, certains utilisent l’argument du racisme pour justifier des échecs personnels et espérer que tout soit pardonné. Cela ne va pas ! »
De Wever relativise le racisme, en visant directement « la communauté berbère ». C’est un truc utilisé par tous les racistes. Ils ne le sont pas, sauf à propos d’une communauté. Ce discours ne vous rappelle rien ? C’est le même utilisé par les Nazis et qui fit 14 millions de morts parmi la communauté juive.
Bart De Wever n’est pas très différent de Theo Francken, leur rivalité ne l’est que pour la place de chef, dont on sait les Flamands friands. C’est même le retour d’un vieux racisme, qui avait presque disparu derrière l’entourloupe habituelle où l’Arabe n’est plus stigmatisé qu’en tant que musulman. En un mot, De Wever rappelle, le nationaliste français Maurice Barrès, anti-dreyfusards, par haine des Juifs, dont la pensée s’orienta vers un nationalisme traditionaliste, fondé sur le culte de la terre et des morts. De Wever lui, c’est sa haine des Berbères, le culte de la terre flamande et des héros flamands, morts pour la liberté de la Flandre. En la matière, Théo Francken est un champion multirécidiviste.
La N-VA s’est construite autour de ces deux là ! Flamands contre francophones, patrons contre syndicats, « allochtones » contre « autochtones ». Bart De Wever imagine les quartiers populaires s’embraser, comme en 2005 dans les banlieues françaises. Il se rêve, au milieu de la mêlée le drapeau du Lion noir dont il tient la hampe, définitivement à Damme, Uylenspiegel, fils de Claes.
Ces racistes de droite ont été aidés dans leur nuisance par Charles Michel qui les a fait connaître par ambition personnelle. Avec Magnette, ils se sont aperçus que pour leur popularité, ils ne devaient plus entrer dans un gouvernement fédéral. Ils n’avaient plus besoin d’un homme de paille.
Ils ont roulé la pierre jusqu’au bord du précipice. Peut-être sera-ce avec les deux épaules se relayant, N-VA et Vlaams Belang, que la Belgique tombera demain au fond du trou.
Ce pays ne vaut pas cher. Le peuple ne le regrettera pas. C’est même de l’indifférence de notre part qu’il meurt aussi. Le tout, c’est de savoir ce qui pourrait le remplacer ?