À Griveaux grivois.
Inutile de s’étendre sur la démission de Benjamin Griveaux, candidat à la mairie de Paris, ni sur les motifs de cette démission, une cassette le montrant dans une posture équivoque, tournée en mai 2018. Cette cassette aurait été donnée sur les réseaux sociaux à Piotr Pavlenski, un artiste russe résidant en France, par une personne avec laquelle Griveaux aurait eu des relations extraconjugales. Mais c’est l’exploitation de la même cassette par l’ex député de la LREM Joachim Son-Forget, qui va déclencher le scandale.
Les motifs de la publication ne sont pas connus. On peut imaginer une vengeance.
Bref, devant la surabondance des avis sur ce scandale, c’est à un autre sujet que l’affaire Griveaux conduit et qui est au cœur du malaise de la démocratie.
La question à débattre est éthique et politique. La vie privée doit-elle interférer avec la vie politique ou doit-elle rester le jardin secret, à défaut duquel une divulgation est un sacrilège ?
La classe politique condamne cette divulgation. Tous apportent leur soutien à Benjamin Griveaux et appellent au respect de la vie privée des personnes. Il est à noter cependant que c’est un député qui a sorti la cassette d’un relatif anonymat, soi-disant par « indignation » devant le procédé, ce qui a permis au dit procédé de prendre la dimension d’un scandale.
L'adultère est une affaire privée et on se demande de quel droit les Bartholo des réseaux sociaux exercent un droit moral sur le comportement adultérin de leurs concitoyens, dit un lecteur d’un journal.
C’est là qu’entre en conflit les défenseurs de la vie privée, et ceux de la vie publique.
On en revient à l’affaire Fillon et la promptitude des juges à mettre en examen l’intéressé, par ailleurs candidat à la présidence de la République.
Ne l’ont-ils pas fait devant la nécessité d’empêcher un homme malhonnête de devenir président des Français ? C’est-à-dire qu’ils avaient acquis la conviction, avant un jugement (le procès va débuter ce mois de février) que Fillon était indigne d’avoir ce poste.
Quand vous êtes dépositaires d’un secret jetant un discrédit grave sur un candidat, faut-il, oui ou non l’enfouir au plus profond de la mémoire, sachant que si ce candidat que vous estimez moralement dépravé gagne, il gérera de longues années les affaires de l’État, c’est-à-dire des affaires qui nous concernent au premier chef !
Quelle sera l’attitude de ceux qui savaient et qui se sont tus, devant le personnage élu grâce à leur silence, et agissant au sommet de l’état de façon extravagante ou pire, confondant son compte en banque avec celui de l’état ?
Tous les hommes politiques ne sont pas corrompus, mais c’est le système qui les pousse à l’être. Une politique franche, même si elle déplaît à un assez grand nombre de personnes, joue le jeu de la transparence, on est pour ou on est contre ; mais de nos jours ce genre de politique ne peut plus convenir tant tout est devenu extrêmement compliqué, aussi curieux que cela paraisse, grâce aux techniques, aux divergences de vue et aux alliances que l’on est obligé d’avoir pour rester dans la conduite des affaires.
L’époque est au compromis et l’électeur ne le supporte pas. Il ne supporte pas davantage un régime qui agit sans l'aval du peuple. C'est le cas Macron. Bref, il a pris en grippe le système.
Le gouvernement Macron a tellement accumulé de haine contre lui, les gilets Jaunes avec les morts et les blessés graves ont accumulé un tel réservoir de sympathie du peuple que fatalement, qui sème le vent récolte la tempête, comme on dit, le conflit est né.
C’est un combat entre les réseaux sociaux et le gouvernement Macron. Le premier ministre Philippe sait désormais à quoi s’en tenir.
On ne peut plus décemment aujourd’hui prendre chez les plus démunis pour pourvoir le monde des riches, sans se faire assaisonner sur les réseaux sociaux et sans en payer les conséquences quand on n’est pas parfaitement clean.
Bien sûr le pouvoir le sait. Il étudie des ripostes, comme sortir les utilisateurs des réseaux sociaux de l’anonymat. Mais cela ne changera pas grand-chose. C’est le plus terrible pour la nomenklatura : aujourd’hui la cible, ce sont les gens en place, les notables, les politiques, tous ceux qui ont tiré leur épingle du jeu social et continuent à poursuivre le peuple d’une animosité qui se lit comme dans un livre ouvert dans la réforme des pensions, le délabrement des hôpitaux, la privatisation des services publics, toutes injonctions formelles de l’Europe à des ministres de la macronie entièrement d’accord et ce, contre une majorité contraire et qui n’est rien, parce que c’est celle d’en bas.
Griveaux, avec cette malheureuse histoire de masturbation filmée envoyée à sa maîtresse, alors que, quelques jours avant sa démission, il exaltait son rôle de mari aimant et de père admirable, franchement, il aura difficile à s’en remettre.
La guerre entre le pouvoir bourgeois et les réseaux sociaux, ne fait que commencer.