Labiche ? Non, Shakespeare !
On croit à tort que la maîtrise de soi, le strictement correct est l’apanage de gens qui ont beaucoup étudié dans de grandes écoles et, devenus ministres ou députés, ne réservent leurs invectives qu’à leurs opposants politiques.
Qu’enfin les termes orduriers, les bas instincts et les moqueries salaces sont propres aux gens d’en bas. Les belles-mères du système, les Barbiers, Jeudy, Apathie et Cayrol se sont donné le mot : l’affaire Benjamin Griveaux est avant tout la mésaventure d’un homme qu’ils estiment injurié par le caniveau.
L’empoignade s’envenime sur les réseaux sociaux, entre ceux qui ont pris faits et causes pour le ministre candidat à la mairie de Paris et d’autres qui traduisent en termes crus combien ils sont satisfaits de le voir sortir par la petite porte d’une élection que, de toutes façons, il n’aurait pas gagnée.
L’éducation bourgeoise, celle qui ne dit pas les choses, mais qui par sous-entendus les suggère, n’est qu’un vernis qui éclate dans des prises de becs et craque sous l’invective. Elle fait jeu égal avec l’autre versant de la société, celle qui manque de mots châtiés, exactement comme dans les WC, quand on s’aperçoit qu’il n’y a plus de rouleau, la main sur le dérouleur, tout le monde s’exprime plus ou moins de la même manière !
Les députés LREM montrent un autre aspect de leur personnalité, à propos de l’affaire Benjamin Griveaux. À la différence du peuple, ils ont d’autres outils à portée. Comme Macron, ils peuvent compter sur la police et la justice.
Ils mettront, sans doute, leurs menaces à exécution, si Macron les laisse faire. Ils en ont les moyens. Le peuple pas. C’est toute la différence. Mais elle est de taille.
C’est ainsi qu’un député LREM veut renvoyer Piotr Pavlenski en Russie, pas moins !
Caniveau pour caniveau, je préfère celui du peuple dont je comprends la rage froide et la colère, d’être des acteurs en-dehors d’une démocratie confisquée par Macron.
“Qu’on foute ce mec dehors.” Depuis le retrait de la candidature de Benjamin Griveaux, presque tous les politiques ne se sentent plus et ce député de LREM a quelque chose d’un porte-parole d’une majorité d’élus.
L’irruption de la vie privée dans la sphère publique a quelque chose qui leur fait mal et qu’ils ne peuvent pas digérer. Leur ennemi absolu, la plaie intégrale des réseaux sociaux est, bien entendu le site de Pavlenski, “revenge porn.”
Piotr Pavlenski cristallise sur sa tête toutes les haines que la gent parlementaire n’ose pas encore reporter publiquement sur le peuple. Il leur faut donc un bouc émissaire. Les belles-mères de la macronie vont prendre le relai et dès lundi, c’est tout juste si Barbier, Jeudy, Cayrol et tutti quanti ne vont pas distribuer des pierres aux bons citoyens pour lapider Pavlenski.
L’artiste russe, opposant à Vladimir Poutine exilé en France, a expliqué son geste à plusieurs médias français vendredi 14 février. Et c’est l’argumentaire du Russe qui déclenche des injures et des menaces des élus LREM. Bruno Questel, le bourreau chargé des basses besognes, a demandé son renvoi en Russie. Là où Poutine l’attend pour le liquider en douce.
Comme on sait, ou plutôt comme on ne sait pas, Bruno Questel est un humaniste qui a le sens des formules “Qu’on foute ce mec dehors! Il est réfugié politique, il est venu demander l’asile. Il se comporte comme un salopard et n’a aucune notion de ce que peut être un comportement adapté dans une société éclairée”
Macron le parangon d’une société éclairée ! On hallucine à ces propos.
Et si la branlette filmée de l’ex ministre Griveaux était adressée à la compagne de Pavlenski, par exemple ? Et qu’il ne s’agirait que de cela ? À l’heure où cette chronique est éditée, on ne sait pas grand chose sur la destinataire.
Bruno Questel, plus que la prison pour Piotr, il veut ce brave homme le faire fusiller par Poutine, pour venger l’honneur perdu de Benjamin Griveaux.
Et si Griveaux était un harceleur et si la compagne de Piotr avait délibérément montré le genre de courrier qu’elle recevait du sieur Griveaux, à son compagnon ?
Certains députés de LREM ont imaginé que Piotr serait un agent double et que les Services secrets de Poutine lui auraient transmis la vidéo compromettante.
Ce n’est déjà pas malin de prendre parti dans des histoires sentimentales, ça devient franchement inquiétant quand, de plus en plus probable, cela devient une affaire entre cocus.