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Prestance et jactance de tribune.

Plus que jamais, la parole haute et impérative est maîtresse du pavé. On perçoit directement l’orateur hors pair. Il emporte l’adhésion, au moins sur l’art qu’il a de persuader parfois sans aucun argument, rien qu’à se montrer convaincu de son propre discours.
La voix est importante. Elle doit être posée, avec une bonne articulation grâce à laquelle rien n’échappe au public. Quelques mots savants posent l’homme, personne ne les comprend, mais tout le monde est ravi qu’il les utilise. Cela flatte que l’orateur ait pu croire qu’il serait compris. Mais pas trop, le pédantisme n’est pas loin.
Le timbre doit être agréable, mais c’est un don de la nature. Il existe des techniques pour modifier la voix, au point de la rendre « spéciale ». Sophie Davant, d’Antenne 2 (France), a un timbre de voix particulier qui fait en partie son succès. Or, c’est un timbre fabriqué et pour moi – peut-être suis-je le seul – je le trouve nasillard !
Par exemple Di Rupo et Macron, les cordes vocales les féminisent dans les aigus. S’emporter avec excès en tribune les rend ridicules.
La Belgique n’a aucun orateur à comparer aux Français, peut-être Raoul Hedebouw sauvé par son naturel. Il est vrai que la Belgique est un petit pays, en avoir un, ce n’est pas si mal.
Les accents étrangers ajoutent souvent un charme particulier quand la phrase est bien dite. Loin de rire des Flamands qui se lancent dans la langue française, j’apprécie leur volonté de communiquer dans une langue qui leur rappelle un passé douloureux. Le voussoiement est une difficulté supplémentaire et la correspondance des verbes à conjuguer au passé ou au conditionnel, les foudroient. La Katholieke Universiteit Leuven est la pire des écoles pour y apprendre le français.
Chez nos voisins, on est toujours surpris d’entendre un Flamand parler français. Cela nous vaut une réputation de demeurés. Parler de la sorte à trois cents kilomètres de Paris, c’est incompréhensible pour beaucoup de Français saisis dans leur orgueil.
L’Hexagone compte des orateurs hors-pair, parmi lesquels Jean-Luc Mélenchon. Adrien Quatennens des Insoumis, du même parti, mais plus jeune, est déjà un très bon orateur. Ainsi ce parti, ce qui est rare, possède deux talents exceptionnels. Pour le reste, je ne vois pas qui peut leur être comparé. François Baroin a une voix de baryton-basse exceptionnelle, mais il lâche ses mots trop lentement et semble réfléchir pour tout, même pour demander l’heure.

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Pour reconnaître un talent, il faut l’avoir entendu. La France comme la Belgique possède probablement un ombre plus élevé d’orateurs qu’il n’y paraît ; mais nous ne le saurons jamais, étant entendu que pour le savoir, il faut une tribune. Celles-ci sont encombrées d’un tas de gens qui attendent leur tour.
On n’a pas encore inventé une démocratie moderne à la façon ancienne.
En 487 avant JC, la démocratie s’identifiait déjà à l’exercice de la parole. Et lorsque cette parole était empêchée, la démocratie était menacée.
Ayant libéré la parole, les Grecs se rendirent compte qu’ils n’étaient pas quitte pour autant de tous les dangers, ils pouvaient venir du talent de l’orateur.
Ils instaurèrent l’ostracisme, une mesure de sauvegarde contre la capacité d’influencer par la parole. Ils ne connaissaient pas le fléau moderne de la pensée unique, l’orateur à oreillettes et le beau-parleur, qui fait qu’un cuistre disert, peut donner l’illusion de la culture.
L’ostracisme fut mis en pratique par Clisthène. C’était une mesure de défense de la cité par rapport à des personnages qui deviendraient trop influents par la parole et viendraient à compter plus que les autres citoyens, déséquilibrant ainsi le fonctionnement de l’espace public.
Cette mesure consistait à écarter de la cité l’orateur pendant dix ans.
Ce n’était pas une mesure coercitive, une punition, bien du contraire. L’orateur exilé gardait ses biens. Ses droits civiques étaient simplement suspendus.
Le peuple lui conservait estime et parfois admiration.
On aura beau trouver cette idée farfelue. Elle n’était pas si dénuée de sagesse. On ne saurait l’appliquer aujourd’hui, puisque l’on sait que les hommes d’influence supérieure, on ne les voit jamais. Ils n’ont pas besoin de gloser pour se faire entendre. Dans le silence des hauts lieux de la finance, ils commandent à des élus qui disent au peuple ce qu’il faut comprendre.

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