Télé éveillée – spectateur endormi.
Voilà longtemps que la gauche s’en est aperçue, les débats dans les journaux, à la radio et à la télévision se resserrent autour de quelques experts : économie, politiques interne et internationale, qui sont, à peu de nuances près, du même avis.
Entre les intervenants, puisque le point de vue est commun, le tri porte sur la notoriété. On assiste parfois résigné, parfois amusé, à un accaparement de la parole par des débatteurs en accord avec la rigueur budgétaire, qui disent à peu près la même chose.
Cette hiérarchie est amusante à suivre. Parfois, elle est visible, dès la manière dont sont placés les interlocuteurs. Les pointures coupent les autres avec l’accord du présentateur. Ceux à qui ils coupent le sifflet n’ont pas l’air de leur en vouloir. C’est une autorité en la matière qui parle. Il a le droit. Le ballotage dans la hiérarchie de la notoriété, voit une bataille d’ego, parfois d’un ridicule achevé. Certains regards assassins supposent de l’animosité dans l’air. Mais c’est rare, les huiles se respectent entre elles. La tolérance fait partie de leur image.
Par contre le deuxième rideau grouille d’hybris frustrés. Il y a affrontement. Tandis qu’au rang un, par contre, il n’y a pas photo, le maître de cérémonie prend garde d’en mettre deux autour de la table, sans qu’ils ne se connaissent liés par l’intérêt. C’est tout un art de composer la table, comme dans les grandes maisons.
Cela est pitoyable ! Alors que l’on n’aborde jamais des sujets qui touchent à l’avenir des gens, comment ils finiront le mois, ce qu’ils mettront sur leur pain !
C’est même assez symptomatique que de la gauche à la droite ministrables, donc du PS à la N-VA, en Belgique et de la REM, les exsocialistes transfuges et le modem en France, jamais on ne touche à l’ordre économique inspiré des États-Unis.
Entre experts de la même confrérie, l’absence de concepteurs critiques de l’économie, produit une parodie de débat. Ce qui fait défaut : un manque criant de pluralisme.
C’est un problème démocratique. Tous présentent la réduction des dépenses publiques pour rester dans des « limites » raisonnables. Logiquement, cette analyse débouche sur des réflexions sacrificielles. Ils tombent d’accord sur des restrictions des dépenses sociales.
Tout est d’ordre économique, alors que le public pense aussi à l’écologie « quelle planète va-t-on laisser à nos enfants ? », plus que « quelle dette nos enfants devront rembourser ? ».
Les médias, en présentant la réduction des dépenses publiques comme unique option, escamotent du débat, une politique alternative.
On peut très bien vivre ses soirées sans les prendre au sérieux, les regarder faire la roue, on peut manger son potage en leur tournant le dos, alors qu’ils pérorent, « qu’heureusement le libéralisme est là pour sauver l’humanité ». On peut même laisser la télé en repos.
Eh ! bien, si c'est avec ce matériel humain qu’elle compte se sauver, l’humanité, je ne donne pas cher de notre peau.
Comme ceux qui ont arrêté de fumer par la méthode de la persuasion et de la volonté personnelles, je pourrais très bien ne plus acheter le journal, tourner le dos à leur manière, couper le câble et lire un livre.
Je sais bien que je ne le ferai pas, non pas qu’ils me fascinent par ce qu’ils disent, et qu’ils prétendent savoir, mais parce qu’ils sont balaises dans leur métier du paraître, leurs mimiques, leurs effarouchements, leur ton grave ou léger, toutes caricatures du théâtre classique. C’est le théâtre chez soi. Alain Duhamel, c’est Tartuffe, avec ses regards par en-dessous et l’air qui fait pitié chaque fois qu’il lance une vacherie, Barbier, c’est Cromwell, comme ce héros de Hugo, Barbier perd toute sa part d’humanité pour devenir une pure conception de l’esprit malveillante dans un raisonnement d’apparence en béton, Deborsu, c’est Lélio de la commedia d’ell’arte, avec sa souplesse peu commune de sauter de l’un à l’autre, de telle sorte qu’il est le seul capable de couper la chique aux ténors de la notoriété. Son compagnon de scène (quoique ils ne jouent pas sans le même théâtre), c‘est Aphatie dans le rôle de Pantalone et enfin Caroline Roux, Corallina, soubrette exubérante et rusée qui noue des intrigues les plus compliquées et qui feint de s’embrouiller dans la stricte hiérarchie des notoriétés.
Ils poursuivent une idée : il faut sauver la macronie d’un désastre possible. Même Deborsu le pense en Belgique. Et là, ce n’est pas gagné.