A ! les braves gens.
Un pince-sans-rire disait à quelqu’un resté bouche ouverte « Ne serait-il pas temps de moraliser le libéralisme ? »
On est tous d’accord. Mais qui nous enseignerait la morale ?
Certainement pas la faune qui prospère sur nos angoisses et qui règle nos jours et nos nuits de confinés ! Eux qui se livraient encore, il y a à peine un mois, à une apologie enthousiaste du libéralisme, ils seraient nos mentors ?
Nous avons vu les Michel, les Reynders, les De Block, les Bacquelaine, les Bouchez, les Di Rupo, les Borsus… et j’en passe, nous vanter les incomparables bienfaits du libéralisme et ce seraient les mêmes qui parcourraient l’allée qui sépare la classe en deux, pour revenir sur l’estrade, nous parler de morale, après avoir ramassé nos devoirs !
Ces succubes, ces vampires, que des maladroits électeurs ont couvert d’éloges immérités, seraient capables de nous faire admettre que si le capitalisme est immoral, eux se font forts de le moraliser !
Ces mêmes maladroits électeurs apprendraient par cœur, les paroles de ces coquins pour nous les faire avaler de force, ce qui est fort possible en somme, compte-tenu de la place qu’ils ont dans la curieuse démocratie belge.
Sauf…. sauf, il y a un os et non des moindres. L’immoralité est intrinsèque au capitalisme. Le système est vicié dans ses profondeurs. Il ne peut pas être séquencé comme Covid-19, digéré par les machines et mis en comprimés ou en seringue sous la forme d’antidote ou de vaccins.
Il est inamendable. Ceux qui après avoir porté aux nues l’économie qui en résulte se vanteraient d’y améliorer la morale, sont des escrocs !
Friedrich Hayek dans son délire ultralibéral avait, malgré lui, avancé l’hypothèse de l’amoralité complète du capitalisme sans le faire exprès. Redistribuer la richesse et les moyens de la produire de façon équitable est impossible ! L’amoralisme du système économique libéral est complet. En cela il voyait juste et était honnête avec lui-même.
Nos élites jouent dorénavant en-dehors de nous dans une cour à part. Nous pouvons les voir jouer notre vie, comme si c’était nous. Leur capitalisme se situe hors champ, en position d’extériorité. Voudraient-ils supprimer les causes de ces confinements parallèles et autonomes d’eux à nous, qu’ils ne le pourraient pas.
Comment innocenter le capitalisme des centaines de milliers de morts que nous avons sous les yeux et qui auraient pu être évité avec un autre système, moins égoïste ? Qu’est-ce que la morale vient faire dans ce génocide organisé de façon criminelle par les utilisateurs journaliers de l’économie de la croissance et du profit ! Qu’est-ce que les protections sanitaires viennent faire là-dedans, puisque même le forfait accompli, nous avons toujours le spectacle de la foire d’empoigne de l’achat des masques, sur le tarmac même où des avions sont prêts à décoller avec leur précieuse cargaison !
Un philosophe qui m’énerve particulièrement sur cette question morale de l’économie capitaliste, c’est Comte-Sponville. Non, l’économie capitaliste n’est pas l’élément moteur des découvertes des sciences et des techniques. Le système organise toujours le travail pour qu’en tire le profit maximum une infime partie des acteurs : les grands patrons, au détriment de tous les autres, y compris des chercheurs et des savants, ce qui influe grandement sur l’importance et la nature de leur recherche au point parfois de retarder, voire d’anéantir des projets purement altruistes. La destruction des réserves de masques est un des paramètres que devrait intégrer Comte-Sponville, s’il n’était pas un bonimenteur en philosophie, l’œil braqué sur le niveau des ventes de ses ouvrages.
Tout cela ne relève pas de la technique ou de la science, mais d’une pratique sociale qui organise le travail sur la base d’objectifs mercantiles et qui donc s’offre par définition au jugement moral : pratique humaine ou inhumaine, pratique morale ou pratique immorale. Marx l’avait compris quand il affirmait que « l’économie politique n’est pas la technologie ».
En fait, moraliser le capitalisme s’avère impossible puisque celui-ci est en lui-même immoral au service d’une minorité fortunée, instrumentalisant la grande masse des travailleurs. Exiger sa moralisation devrait conduire en réalité à exiger sa suppression, quitte à faire trembler le petit monde des partis politiques, mouillés jusqu’au cou dans une aventure qui sent le roussi.