Quelques mots d’amour...
Notre espèce doit disparaître, comme les grands sauriens ont disparu. La leçon qu’on tire : nous disparaissons parce que c’est dans l’ordre des choses. Les facteurs qui nous tiennent en vie sont eux-mêmes instables, l’eau, l’air, les saisons… Mais encore !
Nous serions la première espèce à courir vers un suicide collectif. Nous disparaîtrons plus tôt qu’on ne le pense, par notre faute.
L’homme succombera à son ambition, ses crimes et à sa curiosité qui lui font explorer les secrets de sa propre substance, sans oublier sa manie de vouloir privatiser la nature pour en jouir comme s’il en était le maître.
Se laisser abattre est indigne, bien que le coronavirus, la crise économique, le temps qui nous reste, l’incertitude du lendemain et le spectre de Sophie Wilmès, c’est beaucoup… avec Clarinval, c’est trop.
Les prétentions au détachement finissent par porter leurs fruits.
L’amour-propre une fois digéré, on peut très bien vivre en aimant une personne qui ne vous aime pas et, comble du raffinement, qui ne sait peut-être pas que vous l’aimez.
Inversement, on peut très bien aimer un État qui ne vous aime pas et se trouver malade de n’en pas être aimé, au point de sortir dans la rue et casser la gueule au premier venu. L’État c’est tout le monde ou rien, comme les partis de pouvoir nous le vendent.
Étrange d’aimer « la patrie » comme une personne et en être rejeté à la manière d’une maîtresse qui vous abandonne en vous le faisant savoir « salement » en levant ses jupes et vous montrer ce que vous n’aurez plus.
Ici je m’arrête en ricanant. Je n’ai toujours pas compris comment la gauche, parfois si violente dans ses propos, a pour les connotations sexuelles, la vertu dénonciatrice d’une chaisière d’église vierge !
Comme si la liberté n’était pas aussi dans les mots !
C’est physique d’aimer la patrie, on n’oublie jamais l’endroit où l’on naît.
Parfois en repassant Place Del’cour, je m’y sens étranger, alors que j’ai des droits sur cette place, ces maisons dans l’une desquelles j’ai poussé mes premiers cris. Je suis antérieur aux gens qui l’occupent et pourtant, je n’y suis plus compté !
La Rochefoucauld a une métaphore sur le sujet « Il est impossible d’aimer une seconde fois ce qu’on a véritablement cessé d’aimer ».
Si lors d’une rupture vous vous dites « c’est fini, je ne l’aime plus » et que vous y pensez encore, c’est que vous vous mentez à vous-même et que vous l’aimez encore.
J’ai cru longtemps que c’était à cause de la Belgique, j’en étais chagrin de ne plus pouvoir l’aimer. C’était une erreur. Finalement, je n’aime pas trop les symboles, je préfère le vivant. Ce n’est pas la Belgique que j’aimais, mais les gens et eux je les aime toujours, au point que je leur consacre quelques heures tous les jours.
Je me morfonds à l’idée de leur avenir. J’ai peine à croire que le suffrage universel aboutisse à l’élection des médiocres, alors que nous devrions avoir des génies amoureux des gens, dans ces temps difficiles.
Quand je vois ces importants alignés devant les caméras dans leur costume tirés à quatre épingles, déguisés en chef de service nommé directeur, les bras m’en tombent.
Il m’est arrivé d’être dans l’état où doivent se trouver les croyants frappés par la foi au pied de la grotte de Lourdes « si les gens l’étaient pour eux au lieu de l’Autre, que ne pourrait-on faire ! » ; mais ce supplément d’adhésion je suis bien trop sceptique, je ne puis le fournir.
Aussi suis-je un militant de nulle part, encore que j’aie conscience de servir à des militants qui m’écrivent que cela leur fait du bien de me lire. Je donne de la foi aux autres, tout en n’en ayant pas moi-même !
Sur le plan moral, tout est préférable à la stagnation, cependant je suis un rêveur plus qu’autre chose. J’ai trop été un homme d’action pour n’avoir pas conservé le sentiment que mes actions n’ont été que des leurres pour moi-même.
J’ai été lâche parce que tout le monde l’était. Mais, allez donc faire grève tout seul !
Je me le reproche parfois, au moins ne devrais-je pas l’écrire, pour laisser un peu d’espérance aux autres ? Le collectif est plus désillusion que conquête.
On ne devrait donner le pouvoir qu’aux gens désabusés ! D’abord, ils n’en voudraient pas. Il faudra les convaincre. Convaincus, ils se désabusent et deviennent vénaux.
J’en ai conclus que seuls survivent ceux qui apportent des plans d’actions pour tout le monde. La survivance ne dépasse que rarement l’énoncé de la formule. C’est toujours ça ! Finalement, je n’aurai jamais été autre chose qu’une formule.