Racisme.
Quand on énumère les formes du racisme ordinaire, on oublie souvent le racisme des personnes « distinguées » à propos des travailleurs manuels. Le travail est pour certains une infamie et qui s’y trouve plongé par nécessité est noté comme infâme !
Ce sentiment peut prendre tellement de force qu’en certaines circonstances, des snobs parmi le « beau » monde, renieraient même l’instinct de conservation, comme un ethnologue le rapporte à propos de certains chefs polynésiens, contraints par leurs mœurs, ils choisiront de mourir de faim plutôt que porter leurs aliments à la bouche de leurs mains,.
Nos personnages distingués ne pousseront pas le snobisme jusque là. Dans un roman d’Anatole France un de ces personnages écorche le mot tant la condition ouvrière le répugne, il les appelle des « ouveriers ».
On rapporte qu’un roi de France préféra finir rôti tant il était près d’un grand feu dans l’âtre de son donjon, plutôt que déplacer la chaise royale, l’officier préposé à cet office n’étant pas à son poste.
Tout cela, histoire ou légende, n’a pas été écrit pour rien. Il est de bon ton dans les milieux chics de passer pour maladroit « incapable de ficher un clou dans un mur pour pendre un cadre ». En réalité, c’est une fausse maladresse, avant tout il faut que l’on sache dans les salons que « Gontran est maladroit parce qu’il n’est pas un manuel et que le travail n’est assumé que par des gens de la classe en-dessous de la sienne.
Bien entendu, tout le personnel politique est unanimement louangeur du travail manuel. Il ne viendrait à personne l’idée de jouer les glorieux de ce côté-là, ce serait proprement suicidaire. Quitte à domicile, dans les profondeurs d’un sofa, une coupe de champagne à la main, faire de l’esprit de manière entendue avec des personnes de l’entourage.
Lorsqu’un dépôt de loi à l’encontre des chômeurs, la manière dont en haut lieu on règle certaines aides sociales, la façon dont certains CPAS accueillent les demandeurs d’aide, n’y a-t-t-il pas là des relents de racisme tant il est évident que pour eux, si la condition ouvrière est dégradante, celle d’être assisté socialement est en-dessous de toute comparaison ?
La culture dominante contribue à prolonger ce racisme dans ses formes modernes comme le théâtre, la musique de conservatoire et les lectures « non populaires ». L’élite de ces milieux à une correspondance certaine avec les snobs et les racistes envers les « ouveriers », sinon, pourquoi insisterait-on sur la culture « populaire » les ouvrages de « vulgarisation » et le théâtre « pour tous ».
J’entends bien que certains directeurs artistiques insistent sur la forme « populaire » de leur spécialisation, parce qu’ils ont à cœur de faire aimer leur art à tous, mais ce faisant leur belle idée traîne quand même derrière elle une notion de racisme, en discréditant à priori les classes sociales inférieures, comme s’il n’y avait des incultes que d’un côté, et que les génies seraient regroupés de l’autre.
La culture qui unit, est aussi la culture qui sépare.
Qu’est-ce finalement que ce racisme sinon une forme de distinction qui passe par l’horreur de travailler de ses mains et par là, on célèbre l’oisiveté, comme une manière de travailler.
Non, se récrieront les snobs, nous travaillons, nous sommes même de grands travailleurs et de retomber tout de suite dans leur travers sans le savoir « nous avons charge d’âmes, nous devons veiller sur les plus faibles », entendez par là les faibles d’esprit, nous !
C’est assez commode, dans ces jours de troubles, d’amalgamer toutes occupations de l’homme moderne dans une seule formule « le travail ». il n’en reste pas moins qu’avoir les mains blanches et après discussions dans un salon confortable, s’extirper des fauteuils pour signer des papiers que des petites mains auront préparés et rentrer chez soi, l’air exténué en disant à la ronde combien la journée fut rude est aussi pour ces gens là, travailler mieux et plus fort que le terrassier qui rentre chez lui, cassé et pressé de s’asseoir.
La moitié du temps, on ne va pas chercher les esprits intelligents parmi le peuple qui en possède davantage que l’élite, puis qu’il est le nombre. On les exclut plutôt, voyant en eux une menace.
L’homme public, hissé aux honneurs, finit par accorder sa langue, ses pensées à sa situation officielle, à un monde auquel les privilégiés ont seul accès. Dire des riens, mais avec grâce ou même avec force et persuasion devient vite une habitude.
C’est depuis cette habitude que la démocratie a cessé d’exister.