On est baisé !
Les magasins de fringues et de grolles foisonnent dans les centres villes. Il n’y a même pratiquement plus que ça. Des plus fragiles, ils sont les premiers à lâcher la rampe et se casser le nez dans les escaliers de la réussite ! Des modestes salaires seront précipités à la rue, souvent des femmes !
Ces magasins aux rutilantes façades et aux loyers mirobolants payables à des héritiers chançards, sont tout en décors et artifices, sols parquetés, glaces biseautées sur des guéridons Louis XVI, qui cachent des coulisses moins tape-à-l’œil, où les vendeuses mangent assises sur des caisses entre deux courants d’air. Ces magasins « chics » sont souvent sous la responsabilité de gérant(e)s, gagnant à peine plus que le personnel, accablés par les vols retenus sur leur salaire et écrasés sous les responsabilités. Au dessus d’eux, la maison mère n’est parfois qu’une boîte-aux-lettres, dans un pays où les femmes rapiècent leur abaya.
Ce n’est pas le cas de Camaïeu, prêt-à-porter siégeant à Lille. La firme compte 25 points de vente et emploie 130 personnes en Belgique.
Pour la suite, ne vous fiez surtout pas à ce que les thuriféraires MR du marché libéral, vous disent comme sottises sur la responsabilité morale des entrepreneurs.
Les patrons de Camaïeu ont le réflexe français, c’est normal. Au point de baiser le personnel belge, ce l’est moins ! Mais, pourquoi pas dans le commerce ? L’élite flamande n’est-elle pas en train de baiser la francophonie, pourtant encore compatriote aux dernières nouvelles !
C’est le choix cornélien. Imaginez Jean Jambon matelot sur le Flandria, tendant de son canot une main secourable à deux naufragés se débattant dans les eaux froides de la Manche, l’un criant “Help, ik ben aan het verdrinken !” et l’autre “Au secours, je me noie !”.
Camaïeu vient d’organiser à la pépère la faillite du côté belge pour se blinder contre une autre faillite, côté français, avant de mettre la clé sous la moquette et ficher le camp avec le pognon.
La suite n’est pas triste.
On se souvient de Swissair siphonnant la Sabena. Camaïeu fait pareil, il se coupe un bras, plutôt que la tête.
La bafouille de la direction à ses gérances belges le 12 mars est explicite.
« …je vous demande de mettre en place toutes les initiatives afin que le cash remonte sur Camint (Camaïeu International, NdlR) et ne reste pas sur nos filiales. Même en prévision de décaissement ultérieur. ».
Voici la réponse reçue de l’actionnaire principal Joannes Soënen, d’Alain Gourjon, le directeur financier du groupe, quelques minutes plus tard : “Oui, les instructions ont été données. J’en ai également parlé avec le trésorier ce matin”.
C’est fini aussi sec, pour 130 employé(e)s à qui on a dit que le travail, c’est la joie d’être, la santé morale, que l’employeur, c’est le faiseur de miracles et que la société capitaliste est bien faite, puisque chacun peut s’épanouir dans la place qu’il occupe.
Un mois plus tard, fin avril, le groupe Camaïeu, en cessation de payement en France obtient du tribunal du commerce de Lille une protection contre ses créanciers. Mais avant, il a organisé la faillite de ses filiales belge, luxembourgeoise et suisse en siphonnant leurs comptes bancaires. “La maison-mère Camaïeu International a mis volontairement toutes ses filiales dans une situation telle qu’elles ne peuvent plus faire face à leurs obligations”. Il ne reste plus au CEO qu’à ramasser le paquet du mois de mars venu de Belgique et des autres pigeons, pour couler des jours heureux en avril, même pas à l’étranger, puisque tout ça est légal et même stratégiquement admiré par Georges-Louis Bouchez en personne.
C’est un petit exemple de ce qui va se passer un peu partout, dès septembre.
C’est la conséquence de la politique économique suicidaire de la Belgique, depuis qu’elle s’est mise en tête de brader toutes les industries pour se lancer dans les services… comme si le savoir-faire que nous avons bradé à l’étranger nous reviendrait d’un claquement de doigts sous la forme de masques, de médicaments ou… de prêt-à-porter.
Comme je l’ai écrit hier, nous suivons la pente du Liban. Notre libanisation va se poursuivre et s’accélérer dans les mois à venir. Ceux qui ont organisé notre faillite et produit le désastre, sont toujours à la tête du pays, dans les banques et les entreprises !
Pour Camaïeu les indemnités seront prises en charge par le fonds de fermeture des entreprises. C’est le contribuable belge qui casque. Un plafond dans les indemnités dues aux travailleurs est prévu en cas de faillite, contrairement à une restructuration. Vous avez compris, le personnel Camaïeu, le contribuable belge, tout le monde est baisé… sauf l’employeur.