Un avaro !
Les victimes et les victimes prochaines du Covid-19 se divisent dans la grande confusion des genres, des responsabilités et des expertises, sur les causes des infections, leurs préventions par l’hygiène, la claustration et le port des masques, jusqu’à la négation de l’utilité de ces mesures.
Toutes les attitudes possibles se croisent, se recoupent et s’affrontent, selon que l’on ait une vision libertaire, sectaire, nationaliste ou libérale-bourgeoise consensuelle au gouvernement.
Le moment est venu d’établir les responsabilités.
Dans la vision néolibérale de la crise sanitaire, les recommandations des experts se contredisent. On sait que certains adoptent des jugements en fonction des enjeux économiques du gouvernement. Il est intolérable que certaines décisions manquant d’humanité soient dictées par l’impératif retour à la production. Les atermoiements alimentent les controverses. Les gouvernants ont des visions inadaptées aux réalités et, par conséquent, prennent des décisions de plus en plus éloignées du bon sens.
C’est un étonnement pour les convaincus du néolibéralisme, de voir les manquements dans l’organisation de la mondialisation du commerce. L’Europe ultralibérale allait produire des merveilles et ouvrir l’apothéose du libéralisme en ce début de siècle. Ils découvrent avec stupeur, les lacunes et les fautes graves.
Au contraire, les partisans d’une économie socialiste en sortent plus que jamais convaincus de la nécessité d’un plan général, plutôt que se lancer dans le n’importe quoi, sous prétexte que le patronat et les actionnaires corrigeront d’eux-mêmes les erreurs.
L’aveuglement sur les flux et la phobie irrationnelle des stocks leur ont fait détruire nos stocks de masques, nos contingents de lits et nos effectifs de soignants. C’est toujours cette obstination imbécile selon l’enseignement de leurs hautes écoles de commerce qui a conduit Maggie De Block et David Clarinval à supprimer des postes de chercheurs et d’enseignants capables d’avoir une vision sur le temps long, pour leur substituer une main d’œuvre fluide et adaptable.
On a eu raison de critiquer Sophie Wilmès lorsqu’elle était ministre du budget dans sa gestion de l’économie. On a eu tort de lui imputer des coupes importantes dans le sanitaire, car elle a consacré beaucoup d’argent dans la santé et l’éducation ; mais elle l’a fait dans une optique libérale, dans une logique de flux, qui a détruit la stabilité nécessaire dans ces métiers. Ainsi, elle a dispersé des sommes considérables dans des études d’experts pour rationaliser des ensembles qui ne pouvaient que souffrir des coupes sombres, dans la logique libérale que tout ce qui n’est pas rentable est inutile. Ils ont mis sur le même pied, la gestion d’un hôpital à celle d’une conserverie de petits pois. À l’usage, c’est un désastre.
Cette pression du flux, que les industriels appellent « la gestion des flux tendus » conduit à installer la pénurie et la compétition partout, alors même qu’il y a une débauche de dépenses du côté du management, de l’évaluation, de la machine normative et réglementaire. Et la Belgique s’y connaît en gestionnaires intermédiaires, vu son personnel politique pléthorique, les formulaires en six exemplaires et le bilingisme.
Ce ne sont pas tant les serviteurs zélés de la politique libérale qui sont les premières causes de la catastrophe, que le système lui-même. Ils sont coupables de leur zèle imbécile et de leur manque de discernement. C’est déjà suffisamment lourd à porter comme ça.
Une gestion « de blockisée et clarinvalisée » a conduit le pays au bord de l’abîme dans ces métiers de santé, d’éducation et de recherche. Nos honorables déficients mentaux passèrent et passent encore beaucoup trop de temps à l’évaluation, à l’optimisation, à la compétition, au détriment des soins, de l’éducation et de la recherche.
C’est cela le néolibéralisme : un Etat, tatillon et bureaucratique, porté au zèle de la « bonne » cause qui ne se discute pas, avec, dans les entreprises, les vrais patrons de l’État qui donnent des caps, appliquent des politiques intrusives et invasives, qui harcèlent. C’est ce que nous nous apprêtons à sacraliser dans l’union de la carpe et du lapin, entre la N-VA et le PS.
Finalement le mal est ancien, nos disputes entre masqués et démasqués viennent de loin. Elles viennent d’une ancienne rancœur, d’un malaise au sujet d’une démocratie qui aurait pu être autre chose que ce que le monde libéral en a fait : un luna-park des riches sur les attractions desquelles d’inquiétants behavioristes mesurent les gestes de leurs victimes, les travailleurs.
La Belgique est un avaro, une tuile, un Etat entré dans la dépression maniaque.