Dépôt de bilan.
La crise : temps des faillites ! Les dépôts de bilan au tribunal de commerce s’annoncent nombreux, mais ce n’est qu’un début. C’est ici qu’intervient un métier peu connu : curateur de faillite ! Happe-chair, fossoyeur-combinard ou gestionnaire intègre momentané, on peut en dire tout ce qu’on voudra. Haï par les saisis, adoré par les revendeurs d’Affaire conclue d’Antenne 2, champ de convoitise des margoulins, le curateur est le père fouettard des ratés de la course au pognon. La vente aux enchères d’objets fait partie du métier, bien étrange en vérité, que celui qui ouvre des perspectives de réussites financières sur le malheur des autres.
Ce qu’on sait moins, c’est la vache à lait des avocats sans cause ou tout au moins à la clientèle clairsemée.
Quelques notions en matière de faillite.
Le curateur est la personne désignée par le Tribunal de Commerce en tant que représentant du failli et des créanciers afin d’en assurer la bonne gestion. Il a pour mission de réaliser l’actif du failli et de redistribuer le prix aux créanciers en fonction de leurs rangs et de leurs priorités.
Il réalise également un rapport annuel de la situation de la faillite au tribunal en étalant notamment l’état des contestations des déclarations de créances. La faillite du débiteur est gérée par le curateur, sous la surveillance du juge-commissaire et du Tribunal de Commerce.
Voilà grosso-modo les grandes lignes du fonctionnement.
Les nombreuses lacunes et zones d’ombres dans le fonctionnement des tribunaux de commerce, ont été soulignées par le Conseil supérieur de la Justice.
Il n’existe pas de normes minimales de connaissance ni d’obligation de continuer à se former pour conserver le bénéfice de l’inscription sur la liste des curateurs. Le législateur n’a jamais adopté les arrêtés d’exécution qui auraient permis de préciser les conditions à remplir par les curateurs en matière de formation. Il y a des curateurs qui ne savent même pas lire un bilan !
Le tribunal de commerce fait de l’entre-soi. Rien ne l’empêche de nommer un curateur en-dehors du cercle d’avocats qu’il désigne sur une liste. Il ne le fera pas par corporatisme, évidemment. Être désigné constitue parfois une bouée de sauvetage pour un avocat condamné au pro deo parce que sans cause payante. Le plus souvent, c’est une aubaine qui arrondit le bas de laine du curateur.
C’est parmi ces petites douceurs que les professions libérales s’autorisent depuis toujours, une gâterie que le grand public ignore. Elle est une sorte de recyclage des affaires qui fait que les valeurs de la bourgeoisie libérale ne quittent pas la sphère du commerce et de l’industrie. La mauvaise affaire est recyclée par le transfert de ses débris à des reins plus solides.
Il n’est qu’à jeter un œil sur les métiers avant une carrière politique, pour s’apercevoir que le métier d’avocat est la voie royale pour devenir ministre, voire premier ministre et à défaut ou en attendant, curateur. Ce serait intéressant à savoir si dans leur très courte carrière d’avocat MM. Reynders et Michel, l’ont été ?
Les tribunaux de commerce ont leurs chouchous, certains avocats cumulent les curatelles, d’autres attendent vainement l’occasion de ramasser du fric vite fait.
Je ne comprends pas comment il n’a pas encore été créé une réserve nationale de curateurs, avec un examen sérieux pour y être admis. Les experts comptables et les licenciés en droits commerciaux sont autrement qualifiés que les avocats pour gérer une entreprise en difficulté précipitant la faillite.
Où passe l’avocat, il y a danger de combine ! Le copinage, comme en politique, est pratiquement attaché à chaque dossier. « Comme un vol de gerfaut, hors du charnier natal » dit le poète. Il est vrai que le métier de curateur pourrait sous son plus mauvais jour, n’être qu’un vol de rapaces. C’est qu’il y a du cash à prendre facile, puisque les curateurs perçoivent un pourcentage des actifs réalisés. Cette rémunération peut se compter en centaines de milliers d’euros, voire en millions !
On y retrouve dans ce pilage de ce qui reste d’un naufrage, la sombre destinée du capitalisme qui se résume toute dans la devise « malheur au vaincu ».
Un concurrent d’un industriel en faillite peut, par la suite, racheter avec la complicité du curateur, les biens liquidés ! Et les experts judiciaires dans ce brol, y font aussi leur pelote en ergotant assez pour qu’on les dote de royalties au prorata de ce qu’on pourrait appeler un détournement et qu’on appelle une commission en langage bourgeois.
Ah ! ces bourgeois… finalement : des scandales ambulants ! Sans aucun cadre déontologique, une foire d’empoigne où le plus près du bien saisi a, plus de chance qu’un autre plus éloigné, de se l’approprier.