Du bi…du don…du bidon !
Le soutien en milliards d’euros de fonds publics à l’économie privée devrait quand même interpeler les partis de gauche, sur les relations ambigües que l’Europe et la Belgique entretiennent avec les directions et les actionnariats d’entreprises.
L’État dispose de deux sortes d’aide aux particuliers : celle qui subvient aux citoyens dans le besoin et celle qui consiste à maintenir à coups de milliards des entreprises menacées par la crise.
Si l’État est bien dans son rôle dans le premier cas, il l’est beaucoup moins dans le second.
Ne serait-ce que dans la qualité de la surveillance. L’État ne donne pas de l’argent à l’indigent qui le demande, sans poser des chicanes entre la demande d’aide et son accord.
Il en est tout autrement empressé d’aider l’industrie. Les syndicats ne disent pas non, mais réclament un certain contrôle, quand des milliards sont distribués de façon massive. Ils ne servent pas à relancer la production, mais à éviter de mettre la clé sous le paillasson. Dans une opération similaire, mais à plus petite échelle en 2010, certains fonds avaient servi au remboursement des actionnaires !
Le grand prétexte de Reynders pour justifier « l’effort de la Belgique » au sauvetage des banques, il y a dix ans, c’était l’emploi ! Cela n’a pas empêché les banquiers de liquider les personnels massivement dans les années qui suivirent, comme chacun a pu le constater dans l’évolution du nombre d’employés, en réduction constante dans les agences.
Aujourd’hui la question reste posée. Pour sauver plus efficacement les emplois, puisque le prétexte reste le même, n’aurait-on pas pu utiliser plus intelligemment ces milliards distribués à fonds perdu dans les entreprises, alors que la plupart sont condamnées, en créant d’autres productions plus adaptées à la planète et aux hommes ?
Si cette position n’a pas été retenue, c’est bien la logique économique néolibérale qui continue d’instiller ses poisons.
L’État est intégré dans l’économie libérale, non pas au nom du peuple souverain dont on ne demande pas l’avis, mais au nom de partis qui se sont accordés sur la cession à des particuliers, toute l’économie et certains secteurs annexes des services publics.
Le sinistre de la chose tient dans le double langage. Celui des lois du commerce garantissant la dynamique du libéralisme par la devise « marche ou crève », si bien qu’une entreprise qui fait des pertes doit disparaître au nom de la prospérité de celles qui réussissent, établissant ainsi un équilibre concurrentiel. Or, l’aide massive de l’Europe, contrevient à cette loi essentielle du système libéral, en faussant le jeu, non pas sous le prétexte de conserver des emplois, mais sous celui de maintenir en place les actionnaires et les propriétaires d’entreprises, qui, sans cette aide, seraient faillis.
Enfin, qu’est-ce que l’argent public, sinon de l’argent privé venant de la masse des contributeurs qui seraient en droit de revendiquer la propriété de certaines des entreprises tenues la tête hors de l’eau par l’État, c’est-à-dire nous. Elles seraient vendues sans notre intervention, nous en faisant, dans bien des cas, les propriétaires de fait.
Cet apport massif de milliards, salué comme une action de l’Europe au secours des entreprises en difficulté, n’est que la conséquence d’un discours hégémonique qui mêle tout à dessein et qui auparavant tenait un autre discours sur la dette publique, que les libéraux confondent toujours avec la réduction de la dépense publique. On voit ce qu’il en est aujourd’hui avec ces milliards, boulets supplémentaires de la dette, qui n’ont rien à voir avec les dépenses de fonctionnement de l’État.
La précarité générale conséquence du néolibéralisme fait aujourd’hui son plein effet. Cette aide massive aux entreprises va permettre de procéder à des ajustements et à des modifications qui sont dans leur cahier des charges depuis le début de la crise et qu’elles n’ont pu mettre à jour faute de moyens. Ces milliards seraient autant de moyens de détruire de l’emploi pour en proposer d’autres, certes, mais comme à chaque fois pour les emplois, ce serait en finale pour en réduire le nombre.
En ce moment, les gens sont inquiets et ils ont raison de l’être. La question qui brûle toutes les lèvres « qu’est-ce qu’on va devenir ? » est en suspens. Les travailleurs qui perdront leur travail, pourront dire que leur patron a pu les licencier grâce à l’argent reçu de l’Europe et redistribué en Belgique à la tête du client.
Pas mal, non ?