Les rombiers des ronciers…
La politique, comme la mode, a ses tendances. La mode, ça se perçoit par exemple dans les couleurs, les longueurs de jupe ; en politique, c’est nouveau… au nombre d’arbres plantés !
On le sait bien, l’écologie ne rime à rien tant que le néolibéralisme poursuit son sinistre dépeçage de la nature et son extinction de l’oxygène à coups de CO², mais les élites locales sont persuadées que l’électeur croit qu’en plantant un arbre de plus, en diminuant d’un bidon l’épandage du Roundup, on aura gagné la bataille contre Monsanto, régénéré les colonies d’abeilles et remis la planète d’aplomb.
D’où l’idée du bourgmestre socialiste de Liège de planter d’ici trois ans de quoi concurrencer la Forêt Noire.
Grâce à ces efforts, on pourra rester dans ses convictions « gauche-centriste » ou « droite-modérée » et aller voter, même pour Écolo, pour les mêmes, avec le sentiment d’être un citoyen qui a fait des efforts et est prêt à les poursuivre.
La truffe en l’air, Bouchez a, lui aussi, senti l’oignon ; il a pris la roue du peloton. Le match entre les grandes villes est limpide, pour espérer remporter le morceau, tout candidat sérieux devra se plier à certaines règles au MR et ailleurs : s’engager à planter des arbres !
L’exemple d’Anne Hidalgo à Paris a fait mouche. Elle a promis d’en planter 170 000 en six ans. Willy Demeyer, lui, arrive à 100.00 ! Si on ne le sait pas encore, la Ville de Liège dispose d’à peu près la même superficie que Paris. La comparaison s’arrête là, avec nos collines et nos quartiers qui furent jadis d’anciennes communes : Bressoux, Jupille, Grivegnée, Vottem, etc, parsemées de terrains vagues et de terrains pentus, on n’a pas le prestige de l’avenue des Champs Élysées, on n’a que le boulevard de la Sauvenière.
Grâce ou à cause d’Écolo, de la mode et de l’air du temps les candidats au pouvoir de demain rivalisent de « buildings floraux », de « forêts urbaines » et de « places végétalisées ».
Évidemment… comme on a le nez sur le guidon à cause de la Covid-19, la régionale de l’étape, on regarde d’un œil amusé Erdogan, le dictateur turc, envoyer ses gros renifleurs de nappes de pétrole tourner autour de Lesbos, une île grecque et cela sans respecter les règles internationales en matière d’eaux territoriales, avec la même indifférence amusée à suivre un gros bourdon sur le bord du verre de pastis à proximité de sa chaise longue. Exactement aussi, comme on observe le match Trump-Joe Biden, dans leur course à celui qui polluera le plus pour gagner la bataille de l’emploi aux States.
Or, question pollution et inconvénients majeurs, on ferait mieux de laisser les politiques se quereller entre eux pour sauver leur mandat sur les essences à planter. Notre avenir de citoyen serait plutôt de sauver la planète, sur les quotas d’essence à raffiner du pétrole.
Qu’importe, ce n’est pas parce qu’on discute depuis près de cinq cents jours sur les qualités que devra avoir le premier ministre, peut-être « la première » si Wilmès reste à la mode, qu’on abandonnera le jardinage comme l’atout majeur de la lutte contre la pollution.
On connaît les ressources de Bouchez pour l’aventure verbale, avant florale. Il est même fort possible qu’à Nollet, Magnette et Demeyer, il leur en colle une sur l’accompagnement de la plantation dans son monde futur. L’amour du jardinage ne suffit pas. Il faut aussi promettre de construire des bâtiments verts, d’encourager l’usage du vélo et des véhicules partagés, de convertir les cantines scolaires à l’alimentation biologique, de soutenir la culture, de favoriser la transition énergétique, de développer l’attractivité de la ville. Il faut enfin truffer son programme de termes tels qu’« innovation », « transparence », « démocratie participative », et caser l’adjectif « durable » le plus souvent possible : développement durable, ville durable, territoire durable, tourisme durable, bâtiment durable, etc.
En foi de quoi, pour ces spéculateurs, écolos du dimanche, le système économique a encore de belles années de pollution devant lui !
À titre personnel, mon scepticisme est durable aussi, sur ces créateurs de quartiers fleuris, sur leur pouvoir, surtout, de sortir de l’impasse dans laquelle ce monde libéral est en train de nous fourrer.
Les mêmes mots, les mêmes formules, les mêmes idées reviennent chez tous les candidats, dont les programmes semblent piocher dans un catalogue des « bonnes pratiques » reproductibles de ville en ville, et même de pays en pays, puisque l’offre municipale n’est guère différente à Seattle, Liège, Paris, Montréal ou Berlin. Comme si la politique locale se réduisait à une série de réponses pragmatiques, de solutions de bon sens à des problèmes concrets, par exemple, laisser pousser des pissenlits entre les interstices des chaussées mal entretenues « exprès » !