La grande affaire des cabinets
Le gouvernement De Croo n’aura jamais fait autant prospérer les personnels de cabinet ! Charles Michel avait déjà mis le curseur très haut. Il ne comptait pas moins de 650 cabinettards. Leur nombre n’est pas définitif chez Alexander. Mais il pourrait être supérieur, avec le petit nouveau Mathieu Michel. On parle de huit cents cabinettards !
Le cabinettard est un attaché de cabinet ministériel. Il est nommé sans aucun autre préalable et examen que du seul ministre, pour faire partie du staff du ministère.
Vous avez compris le système. Ces cabinettards sont puisés dans les réserves de « compétences » du parti d’origine du ministre. Ils viennent de toutes les disciplines. Seul point commun, ils sont encartés au parti, issus d’un réseau ou font partie d’un courant, parfois celui du ministre lui-même.
Comme les cabinets sont éphémères, ce ne serait pas avantageux pour un cabinettard de quitter une fonction du privé. Dans la fonction publique, c’est au contraire une distinction qui peut valoir une promotion au retour obligatoire de l’enfant prodigue (on a envie d’écrire prodige) dans sa fonction originelle.
En accord avec le ministre, dès qu’un cabinettard entre en fonction, il cherche un point de chute pour la fin du ministère de son patron. C’est sa première mission. Comme il est aux affaires, il n’a pas trop difficile de trouver une place avantageuse qu’on lui conservera bien au chaud, pour son retour à d’autres activités.
Ce ne serait qu’un poids de fonctionnaires de plus sur nos impôts, si ces cabinettards n’avaient en main tous les dossiers, les traitant parfois à l’insu du ministre trop occupé à se faire valoir dans les salons et les inaugurations.
Si bien que cette fichue démocratie est en réalité dirigée par des gens que l’on connaît à peine, sinon parfaitement inconnus. Ce sont les véritables décideurs du système. Ils ne sont redevables que du seul ministre, qui peut leur couper la tête à chaque instant.
On ne soulignera jamais assez que ces employés de haut vol ne sont ni élus, ni responsables politiquement. C’est une curiosité antidémocratique qui perdure depuis le début de la démocratie. Le citoyen ignore presque toujours l’incongruité de cette organisation.
Installés aux avant-postes du processus décisionnel, ils ne sont pas directement « contrôlés » par le ministre, mais par son chef de cabinet, le vrai boss.
Dans la Quatre-Fromages, ils sont huit chefs de cabinet à prendre en main le sort de la Belgique, sans même que nous ne nous en doutions.
À peine nommé, c’est le premier travail du ministre. Il s’empresse de nommer son chef de cabinet, celui-ci engage au plus vite conseillers, techniciens, secrétaires, experts en communication, informaticiens, huissiers, cuistots et chauffeurs. Les seuls qu’il ne nomme pas, sont les jardiniers et les domestiques, si les assises du ministère ont lieu dans des bâtiments classés ou faisant partie tout simplement de la régie des bâtiments.
Bien entendu, le chef de cabinet accepte les yeux fermés ceux que le ministre désigne comme cabinettards incontournables, cousins éloignés, compères de parti, personnes qui pourraient être utiles avant et après que le ministre ait été titulaire du maroquin.
Huit cents postes à pourvoir, vous voyez d’ici la curée en ces temps de vaches maigres !
Il faut gratter les fonds d’archive des gazettes pour trouver des éditoriaux critiques à l’égard de ces cabinets surpeuplés. On l’aura compris, ce n’est pas le moment de critiquer les mauvaises habitudes d’un régime qui en a tant !
Les partis avides de places sont évidemment ceux qui ont été écartés du pouvoir pendant longtemps. Les écologistes flamands, l’ont été depuis 17 ans. Vous voyez d’ici la fringale. Question emplois pour les copains, le PS sait y faire. Il a son fameux Institut Émile Vandervelde, centre d’études du parti, puits sans fond de candidats cabinettards.
Du côté de l’Open VLD, du CD&V et du MR, l’heure est avant tout à la redistribution des cartes et au déblaiement. L’Open VLD et le CD&V conservent autant de cabinets que sous le gouvernement Michel. Le MR passe de sept à trois éminences. Sophie Wilmès reprend un type du nom de Gérard Duffy que le grand chauve lui avait refilé quand elle était première ministre. Mais la montée au gouvernement du frère de Charles, Mathieu Michel, va sans doute permettre à la famille de caser des cabinettards issus du système de clientélisme mis au point au temps où les Michel étaient en guerre ouverte contre Reynders.
Comme on le voit, les chefs de cabinet de l’usine à gaz sont déjà en bleu de travail. La Belgique Joyeuse d’autrefois repeinte en bleu, devient par effet de mirage, la Belgique moderne. Plus ils sont nombreux à nous cornaquer, plus on va déguster.