Dynasty ou Dallas ?
Il y a plusieurs façons de faire entrer le citoyen dans un moule qui le condamne à n’être que ce que le pouvoir veuille qu’il soit.
Par la contrainte morale, par l’exemple ou par la force.
Un citoyen débutant ne met pas trop de temps à s’apercevoir que le « quant à soi » mène à la marginalité. L’opinion, même de gauche, bien encadrée par le pouvoir, est toujours dénonciatrice de la position du réfractaire pauvre qui refuse de « gagner sa vie comme tout le monde ». Du chômeur à l’handicapé léger (assimilés souvent à tort à ce refus), du pas de chance à l’inorganisé, du caractériel au rebelle paresseux, de l’artiste au rêveur, les lois sont approuvées par le besogneux sur son banc de nage. Il ne voit pas pourquoi il serait le seul à souquer ferme. Il lui semble même que s’ils étaient plusieurs à saisir la lourde rame, que celle-ci serait plus légère, comme dans les films, quand le quartier-maître caresse le dos des galériens au chat à neuf-queues.
La situation d’ensemble la plus actuelle des Belges, c’est la contrainte morale qui la crée.
Mais plus pour longtemps ! Les Gilets Jaunes et la Covid-19 ont rayé le chrome de la belle machine des bourgeois, au fil du temps. Ce tableau est faussement simpliste.
L’exemple, le deuxième moyen de faire entrer le citoyen dans le moule, fait défaut. Le bourgeois installé dans la politique et dans l’économie à ses graisses qui le boursouflent de partout. Il ne peut plus cacher ses privilèges et ses différences qui giclent de tous les côtés dans sa manière à prendre ses aises et déguster ses petits fours. Du MR au PS, ils ne savent que faire pour dissimuler leur embonpoint, surtout moral. Il ne leur est plus d’aucun secours d’ânonner comme jadis dans leur catéchisme, que « le travail et l’honnêteté font la dignité de l’homme ». Vous voyez d’ici Charles Michel faire un discours sur les seules qualités personnelles à se faire valoir, comme La Bruyère « par des choses qui ne dépendent point des autres, mais de soi seul ou renoncer à se faire valoir », alors que sans des coups de pouce extérieurs et la sollicitude du père, il serait encore un avocat sans cause, peut-être commis dans une quincaillerie ou chômeur, au pire ? Vous voyez d’ici Jean-Claude Marcourt monter sur une chaise dans une cour d’usine en grève et commencer sa harangue par « Camarades… » ? Didier Reynders vanté l’indépendance de ses enfants par l’autonomie et la responsabilité dès le plus jeune âge, alors qu’il est allé faire la cour à Pierre-Yves Jeholet, président MR de la Fédération Wallonie-Bruxelles, pour qu’il engage son fils Nicolas, dans son staff !
La force par l’exemple et tout ce qui tourne autour de l’exemplarité sont devenus impossibles. Les coquins au brassard bleu ne sont plus assez nombreux pour asseoir leur puissance par le nombre. Comme ils cumulent encore tous les pouvoirs, ils craignent pour la génération suivante, celle qui débute à peine dans les places réservées. Quel avenir pour ces louveteaux ?
Heureusement pour eux que sous prétexte de l’imminence d’attaques terroristes, dont au passage ils se flattent d’en avoir déjoué des dizaines, les libertés les plus fondamentales ont été réduites les unes après les autres ou en voie d’extinction, par des lois d’exception qui, par la commodité qu’elles représentent pour le pouvoir, sont devenues définitives. Ainsi, il est devenu plus facile de « contrôler » une action syndicale ou une manifestation spontanée de rue, depuis que les mesures prises pour lutter contre les extrémistes musulmans ont été prises. De même les policiers ont troqué leur tenue d’agent de la paix, contre des équipements qu’on ne voyait que dans des films américains. Les gens se sont accommodés à ces nouveautés comme la présence de militaires armés patrouillant dans les rues, en répétition pour une éventuelle reprise en main de la bourgeoisie libérale.
La pandémie a permis à la bourgeoisie d’œuvrer à découvert sous prétexte de la sauvegarde de la santé publique. L’entraînement par des couvre-feux, des fermetures de lieux publics, théâtres et cinémas, échoppes et marchés, qui sur le moment paraissent nécessaires, pourraient s’avérer dangereuses, au cas où des gens comme Georges-Louis Bouchez se découvriraient brusquement des affinités avec Franco ou Pinochet.
Ce qui paraît nécessaire en certains moments est franchement liberticide à d’autres. Or, qui décide de retrancher des libertés dans des circonstances d’urgence ? Ceux qui ont intérêt à les maintenir après !