Les Gilets Jaunes, deux ans déjà !
La diffusion de l’information ne relève pas toujours de son importance, mais du moment où elle survient. Les élections américaines resteront d’actualité jusqu’au 20 janvier, c’est-à-dire lorsque Trump aura enfin fait ses bagages et laissé la Maison Blanche au nouveau président. Enfin, la Covid-19 a installé ses quartiers dans les rédactions au moins jusqu’à la moitié de l’année qui vient.
L’affaire Daval en France (le crime d’un mari pervers d’une épouse dominatrice) s’est déroulée avant ces deux événements, voilà pourquoi l’épilogue aux Assises est assez bien relayé dans les gazettes. Souvent, la hiérarchisation de l’actualité se fait en fonction de l’importance de l’attention que la population lui attribue.
Expliquer pourquoi l’événement majeur qu’est la fronde des Gilets Jaunes, d’il y a deux ans n’est plus racontable, reste un mystère pour la multitude et s’explique très bien, par l’intention des autorités, de chasser ce fait social de la mémoire des gens.
Quoique l’événement se soit passé en France, les Belges s’en étaient appropriés, comme tout ce qui vient de France. Notre pays étant moins critique et moins réactif aux inégalités, pourtant toutes aussi grandes, les Gilets Jaunes belges s’étaient heurtés à Charles Michel, l’embaumeur officiel de la bourgeoisie. L’élite ensorceleuse n’avait plus qu’à malaxer le tout dans la bétonnière communautaire.
Pendant un an et un mois, la vague des gilets fluo avait occupé les ronds-points et produit des cortèges partout en France, malgré une répression policière digne d’une République sud-américaine. La fronde était entretenue par un sentiment de déclassement ignoré des élites (il l’est toujours fin 2020).
Le bruit et la fureur étaient réservés au samedi par une contestation venue de nulle part et de partout, sans consigne des partis, sans battage de tribune des syndicats. Un ras-le-bol venant indistinctement des tripes de tout le monde en même temps, par un phénomène naturel, comme la maturation des pommes dans un verger.
Par sa durée, sa spontanéité et son importance, ce mouvement est de loin le fait majeur de ces cinquante dernières années. Il est encore insuffisamment analysé, puisqu’il est toujours aussi mal compris des experts en société humaine.
Il révélait aussi la réponse de la foule aux violences policières par l’indignation et la surprise, faisant planer un doute supérieur sur le juste exercice de la démocratie des Autorités de la république.
Ce mois de novembre 2020 célèbre le deuxième anniversaire du mouvement Gilet jaune, presque dans l’anonymat. Facebook n’est plus le forum de ce mouvement. La crise du Covid et l’affaire Trump, en guest-star, ont raflé toutes les parts d’intérêt. Elles font office de la pluie avant une manifestation, rassurant les autorités au temps de Zola à Léon Blum. L’invention des parkas a depuis relativisé l’importance de la pluie, aidant la bourgeoisie à défendre ses privilèges.
La force des Gilets Jaunes avait été de fixer l’attention sur les inégalités entre ceux qui sont les délégués du peuple chargés de diriger le pays et le peuple lui-même. Les ronds-points chargés de monde rendaient cette inégalité perceptible.
Le confinement, par sa nature même, a séparé les GJ en plusieurs groupes. Il a pu, pour certains, passer pour une « dictature sanitaire ». Les derniers appels au rassemblement portent sur ce thème. La pandémie a porté un coup fatal aux réunions des citoyens. Les consignes gouvernementales sur la pandémie, apportent un faisceau d’incertitudes aux Gilets jaunes. Certains ne se résignent pas et accusent les Autorités d’exagérer la menace du virus pour casser le mouvement. D’autres, moins radicaux, pensent que le complotisme des bourgeois n’a pas été jusqu’à propager « exprès » la Covid-19.
La taxe carbone, à l’origine de l’immense mobilisation paraît tellement lointaine que la population a oublié son effet mobilisateur.
La Belgique, toujours en retard d’une guerre, mais aussi de ses conséquences, a tourné la page. Elle se consacre à ses démons de toujours : les doublons administratifs, sa structure institutionnelle folle, ses disparités qui vont s’approfondissant, ses conneries linguistiques, etc. La présence des écolos dans la pétaudière fédérale supposerait que fatalement on va revenir à une taxe carbone déguisée, pénalisant les pauvres…. Rebelote !...