Les mains invisibles de Gaspard Grosjean.
Voici que le rédacteur en chef du journal La Meuse se fend d’un éditorial sur un sujet d’actualité. C’est une pratique qui renoue avec un passé, quand les « patrons » des rédactions étaient des proches du conseil d’administration ou actionnaires eux-mêmes.
C’est dire la confiance que le groupe Rossel accorde à Gaspard Grosjean, « Rédacteur en chef de La Meuse Liège & Basse-Meuse », comme il l’indique lui-même à l’en-tête de ses papiers.
Son édito du jour « il est temps de se pencher sur les responsabilités politiques », fait rarissime, est publié in extenso et donc accessible à des lecteurs non-payants. Il rompt avec une pratique sur le NET, sur lequel les rubriques du journal sont incomplètes, afin d’inciter le curieux à s’abonner.
Voilà qui est à la fois instructif et intéressant.
Grosjean traite de l’affaire Nethys. Il se range derrière l’avocat de Pol Heyse qui demande l’audition de politiciens liégeois. Comme ils sont tous du PS, c’est tout bénéfice pour le MR, pour lequel le groupe Rossel a les yeux doux, depuis toujours !.
Tout le monde sait quels sont les politiciens liégeois qui seraient éventuellement auditionnés, si le juge d’instruction a les couilles de le faire. Les raisins pourris que sont Pol Heyse, Stéphane Moreau et consort sont tous de la grappe dont la vigne est place Sainte-Véronique, siège de la régionale du PS.
Gaspard Grosjean n’est pas l’archange de la vérité qui réclame la justice, c’est tout simplement le commis des marchands de soupe du groupe Rossel qui vend du libéral depuis trois générations.
Car, ne serait-ce que le fait de mêler des noms comme ceux de Frédéric Daerden , Alain Mathot , Willy Demeyer et Jean-Claude Marcourt dans l’affaire Nethys avec ceux de François Fornieri, Stéphane Moreau, Pol Heyse et Bénédicte Bayer, ça ne peut faire que du bien pour la régionale MR et sa cheffe Christine Defraigne, donc réjouir les patrons de Grosjean.
Pour une fois je me range derrière l’éditorial de La Meuse, même si ses motivations ne sont pas les mêmes que les miennes.
Les miennes ne sont pas politiciennes, elles sont d’un citoyen ordinaire qui n’entre pas dans ces histoires maffieuses de clan que sont les quincaillers aussi bien MR que PS qui vantent leurs marchandises en déconsidérant les casseroles de l’autre.
Aussi, tout en n’étant pas dupe du manège de Grosjean, j’approuve sa démarche et je souhaite comme lui qu’on débride l’abcès du pourrissement de la chefferie socialiste de la place sainte-Véronique, qu’on sache au moins à quoi s’en tenir sur la probité des uns et la malhonnêteté des autres.
Grosjean a mis la pointe de son stylo où Maître Jean-Pierre Buyle, l’avocat de Pol Heyse, écrit : « Nous avons demandé que d’autres personnes soient interrogées, c’est-à-dire les vrais décideurs, les femmes et les hommes politiques liégeois. Il apparaît, maintenant, que la plupart des décisions dont on parle aujourd’hui ont été validées, suggérées, recommandées, selon les cas, par différents hommes politiques de la région de Liège. »
Et Grosjean de bondir « À travers ces deux phrases, l’avocat de Pol Heyse (l’ancien directeur financier de Nethys) a mis les mots sur quelque chose qui est largement réclamé. Quelque chose qui porte un nom : les fameuses « mains invisibles », si souvent citées mais jamais vraiment révélées. Même si d’aucuns s’accordent sur le fait qu’il s’agit bel et bien de responsables politiques de premier plan qui ont suivi de près le développement tentaculaire de Nethys au rythme des ans, s’éloignant toujours un peu plus de sa mission industrielle publique de base. »
J’applaudis à la démarche de La Meuse, même si c’est une démarche purement politicienne qui s’est gardée par le passé de demander les auditions de Didier Reynders et de quelques autres libéraux, quand ceux-ci auraient dû être entendus, voire inculpés, sur le dossier du kazakhgate », clos de façon si opportune par le décès d’Armand De Decker, qu’on en reste encore dubitatif qu’on n’ait pas procédé à une autopsie.
Mais enfin, on peut être en désaccord sur tout et rejoindre La Meuse quand ses intérêts concordent avec la justice et la morale, tels que nous les concevons.
« Ici même, nous plaidions ouvertement pour que l’enquête judiciaire en cours n’élude pas ce volet peut-être un peu trop souvent mis de côté », conclut Grosjean et là, je dis bravo !