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Heureux si vous le voulez…

Foutre non, je ne suis pas en train de faire la fine bouche à propos de la manif des artistes de ce samedi. Tous ceux qui étaient dans la rue, sur des tréteaux improvisés, dans des entrées de théâtre avaient mille fois raisons d’y être. Mais c’est la suite que je n’avale pas, aussitôt les pancartes remisées, les anglomanes servis par l’abondante protestation en Shakespeare langage. Chacun est rentré chez soi et a repris le cours des jours, les uns avec l’enveloppe qui tombe fin du mois, les autres dans les galères des CPAS, voire dans la rue pour les plus malchanceux.
Est-ce que tout ce monde de la pensée, de l’invention, du bel canto, des monologues, des croquis à la mine de plomb et de la céramique tendance Art nouveau est bien conscient que ce n’est pas la Covid qui les réduit à la misère, mais le système !
Réfléchissez donc les poètes dans la lune, les mirliflores du sketch de première partie, les techniciens de la magie et les auteurs de pièces à insuccès, si septembre rouvrait, même si les subventionnés, les cadres, les flûtistes et les électriciens de plateau retrouvaient leur gagne-pain, vous auriez descendus d’un étage, peut-être même deux, sans vous en apercevoir. Quant au troupeau d’affamés, certains seraient morts, d’autres magasiniers chez Carrefour.
Si quelque chose de neuf survenait, ce ne serait pas en faveur des arts mais en débronzage de l’art statuaire pour du régule, du carton à peindre au lieu de la toile de lin, de l’ersatz dans l’alexandrin et de la fesse en plastique dans le nu artistique.
Mais disent les faux culs incrédules, les énamourés de tous les chefs de tous les systèmes, les successeurs des artistes du patro, les pianistes du Père Mutien et les rimeurs du Saint-Rosaire, on est en démocratie, non ?
C’est à croire qu’on suit définitivement les journaux, pourtant si baiseurs des pieds du pouvoir, que cela devrait éveiller la méfiance.

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Dans la société belge, ce qui tourne autour de l’Art est condamné comme industrie non rentable ! Surréalisme tant qu’on veut, à part l’investissement d’un Bernard Buffet ou d’un James Ensor, vous pouvez toujours courir et vous ruinez en salle d’exposition, ça sert à rien, vous serez pour vos frais de tubes de Talens, les bourgeois n’en ont rien à foutre de l’art.
Oui, vous n’intéressez pas le business, ni les politiques qui s’y cramponnent. C’est déjà la croix et la bannière pour garder en vie l’Art officiel, les troupes subventionnées, les musiciens classiques à rémunérer pour le seul plaisir de la bourgeoisie, les musées à maintenir propres et les conservateurs si papillonnant et extravertis, prompts à lacer les corsets des douairières, et offrir leurs jolis culs roses aux ardeurs séniles des vieux pédérastes des ministères.
N’être pas rentable, c’est l’infamie suprême, Molière aujourd’hui aurait défilé en loques dans la rue, l’enfant de la Béjart sur les bras, hoquetant dans les larmes devant un intervieweur de RTL-Tvi hilare et la tête ailleurs. Vermeer, venu des Pays-Bas soutenir Rubens aurait dû faire le voyage à pied pour retrouver le maître anversois en guenille et s’arrachant les poils pour faire des pinceaux.
C’est ça la défense des artistes, le sang du pays, l’intelligence nécessaire ? Après un samedi sans émeute, qu’on se retrouve après en petit comité attendant un viatique, qui viendra peut-être ou peut-être pas, à condition de dire merci et de fermer sa gueule pour le reste !
Certes le peuple souvent pleurniche, au lieu de sortir de ses gonds, mais les artistes… au moins faire quelque chose qui ait un sens. Au lieu de quoi, ils oublient l’infortune en se recommandant des grandes destinées, des génies qui ont jadis percé dans les arts ? Même pas, mais des milliardaires qui font fortune, comme l’inventeur du Bitcoin, une monnaie qui n’existe pas, qui ne repose sur rien et qui cependant vaut des milliers de dollars l’unité !
Et nous revoilà Grosjean comme d’hab… Pas mécontents de s’être comptés samedi, heureux de voir des amis qu’on croyait morts, même si tous étaient frappés de stupeur, comme dans Corneille. Autant de Cid que de manifestants, une réussite. Bon après ? Mais rien voyons, nous sommes en démocratie n’est-ce pas ! Le gouvernement est celui que nous avons voulu. Les temps sont difficiles pour tout le monde, et patati et patata…
Heureux si vous le voulez, malheureux s’il-vous-plaît, on était dans Tartuffe.

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