Une indignation hors contrôle !
On mesure le délabrement d’une civilisation à son nombre de laissés pour compte. Qui dira jamais dans quel piège sont tombés les pauvres dans cette démocratie qui n’est pas faite pour eux, les chômeurs, les malheureux inscrits dans les CPAS, les handicapés et les petits pensionnés, jusqu’à certains ouvriers et employés qui ne peuvent plus nourrir leur famille avec ce qu’ils gagnent !
De ce point de vue, la Belgique est un fiasco social, un chaudron d’injustice, avec ses élus au standing étonnant et la haute administration intégrée dans une bourgeoisie triomphante.
Le CEO de la Banque centrale l’a rappelé aujourd’hui, il faudra bien que les taux d’intérêt augmentent et que la dette souveraine se résorbe progressivement. En clair, cela signifie pour une partie de la population la poursuite des galères, les restrictions et la difficulté d’être pauvre dans un système qui n’a d’yeux que pour les riches.
Sait-on en Haut-lieu ce qu’il faut de talent pour survivre avec trois fois rien ?
Ce qu’il faut de résignation et d’entregent à un ouvrier pour survivre dans une entreprise où le patron est roi ? Le poids de l’angoisse d’un licenciement possible dans une boîte qui va mal et comme est lourd l’effort pour moins de deux mille euros par mois. On se lève le matin la boule au ventre et à l’atelier on scrute les visages en se demandant qui sera le chômeur suivant, peut-être définitivement exclu de cet enfer productiviste, qu’on déteste, mais qu’on supporte comme la chaîne obligée au pied du forçat.
Mon cœur se serre à la différence de traitement judiciaire entre un voyou de la « bonne » société et un pauvre bougre qui carotte cent euros, alors qu’il n’en a pas le droit. On ne trouve pas d’inspecteur et de contrôleur des impôts pour le premier, alors que le second est accablé de flics, de mouchards et d’employés-adjudants des CPAS.
Et l’angoisse de celui qui a cru échapper au monde pervers du petit boulot et qui a ouvert un commerce pour vendre des petites choses ou exercer ses talents en solo, loin des roquets-contremaîtres ? Comme elle est déjà oubliée cette pauvre jeune femme « barbière » qui s’est suicidée faute de s’être trompée sur cette société qui lui a fait croire que le travail ennoblit !
Et la honte d’avoir faim et d’être incapable de nourrir des petits innocents qui sont à la maison à attendre la becquée et qu’on s’en va tendre la main pour eux dans un CPAS, dont le président est une sorte de nazi qui vous rit à la figure ! A croire que les CPAS sont les refuges de sadiques qui font le tri des faux pauvres et des vrais, et qui se vengent sur ses victimes et font porter sur eux le poids de leur médiocrité !
Et l’humiliation de tomber à l’ONEM sur un employé qui suit la procédure avec une sorte de contentement et qui estime que vous ne faites pas assez d’effort pour retrouver un emploi, en tous cas, que vous ne produisez aucune preuve que vous êtes allé vous vendre chez un employeur qui ne vous a pas voulu. Comme si tous les patrons vous attendaient pour vous délivrer une attestation de visite ! Vous sortez de cette officine du sans-emploi organisé complètement ravagé devant des employés impassibles, avec cette sensation désagréable que sous leur indifférence, ils se moquent de vous.
Il y a pire encore, cette multitude d’invalides sans pensions d’invalidité, ces personnes, surtout des femmes, ayant travaillé leur vie durant chez des patrons qui ont tout simplement « oublié » de les inscrire, ces SDF qui finissent sur le trottoir, même si leur parcours est entaché d’addictions néfastes, ils sont dans une mauvaise passe et on ne demande pas un certificat de bonnes vies et mœurs à quelqu’un qui se noie.
Ces petites pensions dont on a honte parce qu’elles ne permettent pas de vivre décemment, d’avoir un toit, des chaussures qui ne prennent pas eau et un repas par jour et dont leurs « bénéficiaires » (j’ai peine à prononcer ce mot) survivent dans des mansardes dont la seule mensualité dévore les trois-quarts de leur avoir, certains fachos espèrent qu’ils crèvent, avec ou sans la Covid.
Et quand devant cette cour des miracles, on vous balance les destinées fastueuses des ministres et des hauts fonctionnaires, des gens qui émargent des mêmes recettes de l’état qui indemnisent les chômeurs, on est pris d’une sorte de dégoût irrésistible.
Et on garde pour soi un ressentiment qui enfle et on a envie de jeter à la gueule de ces piliers du système, une haine qu’on a peine à contrôler.