Des partis et des hommes.
Les partis de pouvoir alimentent en mains-d’œuvre politiques les multiples instances de direction de ce pays.
Les partis qui constituent les gouvernements sont à l’image de ceux qu’ils produisent.
Assez curieusement, ce n’est pas tant à cause de la dérive de la démocratie suite à la pandémie, mais à la mainmise de certains membres de la direction des partis, que nous en sommes là.
La famille Michel vient immédiatement à l’esprit. On sait comment son chef s’est emparé du MR d’après les témoignages de la veuve de Jean Gol et les péripéties du conflit d’intérêt entre Didier Reynders et Charles Michel.
Le népotisme du parrain des Michel, le vieux Louis, sa carrière en dit long sur l’espèce d’aplatissement des autres pointures du parti. On a entendu quelques cris outrés quand Georges-Louis Bouchez a proposé Mathieu Michel à un secrétariat d’État, sortant le petit dernier de la couvée de l’anonymat. Bouchez est quelque part l’homme de main de la famille et n’a pu faire autrement par omerta. Le chef de la grogne, Ducarme réussit à se faufiler jusqu’à certains micros complaisants de la télé, pour conter son malheur. Rien n’y a fait. Mieux, l’espèce de cacophonie à propos d’une place loupée par Ducarme dès le début du règne de Bouchez, était prémonitoire de la suite.
Ce parti libéral qui vante son système comme étant la quintessence de la démocratie, fait le contraire dans sa politique interne. On y voit même au grand jour s’épanouir la prépondérance d’une famille au pouvoir illimité. Les autres personnages ministrables de ce parti, en allant se faire adouber pour entrer dans « la famille », doivent penser qu’il est heureux que le géniteur de la lignée n’ait que deux fils.
Un autre parti qui ne manque pas d’air est le parti socialiste. Il ne s’agit plus ici d’une famille, mais d’une lutte de Loges. La mort d’André Cools a été l’occasion de la Loge du borinage de dominer la liégeoise, qui fut longtemps la cheffe du parti.
Profitant des scandales à répétition et des départs, comme celui d’Onkelinx pour Bruxelles, la Loge boraine a laissé murir l’abcès entre les chefs liégeois qui, depuis deux décennies se querellent autour de deux grands morts, Close et Mathot, accumulant les sorties de piste, au point que ce qui reste encore debout n’est plus qu’une termitière dont le fils de papa Daerden, Frédéric, vient d’hériter. On ne sait pas si, comme son père « l’homme à la Porsche », le fils ne sera pas submergé par la griserie du pouvoir. La Loge adverse compte sur les corrupteurs naturels du PS liégeois, pour que le nouvel homme fort régional sombre dans les imprudences à la Stéphane Moreau.
L’influence au QG du boulevard de l’Empereur à Bruxelles, siège du parti, est encore boraine. La partie se joue entre Mons et Charleroi. La vieille poupée montoise est encore assez bien en cour, au point qu’elle finit une longue carrière à la présidence de la Région wallonne. Tout dépendra des futures élections pour que la couronne cédée à Paul Magnette, reste sur sa tête. Si le PS résiste bien au PTB, Magnette sera difficile à battre. Le défaut de la Loge hennuyère, c’est un peu celui des Michel au MR, sauf que Di Rupo n’a pas d’héritier direct. Il a adoubé Magnette, parce que celui-ci correspondait à ce que tout aspirant du PS aurait voulu avoir : un fils « spirituel » prof d’université. Le Ps, parti issu de la classe ouvrière, et censé la défendre, s’est débarrassé des gens modestes dans ses directions au moment du renoncement à la lutte des classes. Un parti ouvrier sans ouvrier, voilà le paradoxe, ceux-ci étant là pour faire de la figuration.
Magnette aura un second un jour qui ne sera pas Montois, selon toute vraisemblance. Di Rupo eut Laurette Onkelinx en faire-valoir pendant dix ans, lui promettant monts et merveilles. Elle était liégeoise. C’était l’occasion de la promener. Et si la plus grosse section du pays imposait à la hennuyère son nouvel homme fort, Frédéric Daerden ?
Frédéric est le patronyme du héros de l’Éducation sentimentale de Gustave Flaubert. Soupirant de Madame Arnaud, elle disparaît de sa vie, pour revenir à la fin du roman s’offrir à lui. Dans deux ou trois pages sublimes de Flaubert, les dernières, on voit Frédéric en pouvoir de s’offrir Madame Arnaud venue pour ça. Il la repousse. Elle s’en va comme elle est venue, lui laissant une mèche de ses cheveux gris.
Daerden, second couteau de Magnette ? Il n’y a aucun intérêt. Il ne sera pas Madame Arnaud, s’il veut un jour la présidence du PS.