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Ixion et Tantale au théâtre.

Le cinéma, le théâtre, mimé, parlé, joué sont à poil comme Corinne Masiero à la remise des Césars.
Ils ne survivront pas à l’oxyure de la raie. Les demi-soldes du théâtre subventionné souffrent de la politique de l’Haut-lieu. Même si tout pouvait recommencer demain, on ne pourrait plus. Les petits théâtres sont fermés, anéantis, dissouts. Le « silence des agneaux » est irrémédiable. L’ultime bandaison, au viagra du pouvoir, sent la pisse, comme au deuxième balcon du Troca.
Pourtant, c’était important les arts. Ça l’est encore, s’pas ! Et alors ? L’usine à gaz les perd dans ses importances. On serait peut-être en droit de réclamer la rénovation de fond en comble, s’il n’y avait pas tellement de choses éminemment urgentes et prioritaires avant les arts, par exemple comment Mathieu Michel va becqueter le budget, comment Borsus émulsionne les sphincters des ayants-droit de l’HORECA et si Astra-Zeneca était notre nouveau SIDA, etc. ?
Comment retrouver de l’âme là-dedans ? Il y a tellement de nécessiteux !
Et moi, et moi, et moi ? J’avais tellement envie de faire l’acteur pour coucher avec une actrice et je me retrouve Grosjean, avec l’enthousiasme de Jacques Brel qui l’avait sous le bras, un jour de pluie à Knokke-le-Zoute.
On a été trop putains, mauvais acteurs, juments de remonte, diseuses d’entresol, avant Astra-Zeneca sauveur du monde, trop « comme il faut », sensibles en cul-de-poule à l’éloquence des riens, Belges à la diction vranzaize, si bien qu’un spectateur du plateau de Herve dit au voisin de chaise « Tiens, celle-là, est de Fraipont ».
Et avec ça avides aux subsides. Les dispensateurs politiques des satisfécits jettent aux caïmans des bouts de gras afin qu’on sache qu’il n’y en aura pas pour tout le monde, ruée des SPA et joie des passants.
Au théâtre, on a été trop comtesse de Ségur, trop souvent Pierrot de la lune, trop Petit Prince de la branlette cérébrale. Pourtant, on avait envie de parler de ce que l’on connaît : du déhanchement provocant, du balcon de Roxane, du désir de la belle réplique, tout en caresses à mouiller les jansénistes de Port-Royal. Le grand acteur subsidié monte à Montségur, d’en-dessous on voit quand même ses parties honteuses et on a du mal pour lui.

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L’art était-il mort avant d’être mort officiellement ? On bégayait sur les trois planches pour plaire à tout prix aux gens que l’on méprise ! Alors, qu’on aurait dû sortir « ces nom de dieu, de putain de bonsoir » de la vraie société qui gît vierge au fond des cœurs.
Tandis qu’on s’affadissait dans la modernité en manque de sentiments, de rage, de colère, de jalousie et de désespoir, on délivrait les textes de Molière et Racine au public, sans les comprendre.
Eux parlaient jadis de ce dont nous n’osons plus parler, en fins connaisseurs de la langue, dans les délicieux langages au-dessus des décolletés profonds. Le comédien a serré sa haire avec sa discipline en absence de Laurent. Il a exhorté ses juges-mécènes de ne pas faire de lui un chômeur pathétique… hardi les cœurs et merde à Shakespeare !
Vous voulez retrouver l’entrain, sortir des Lettres de mon moulin, oublier les souliers de satin ? Alors, faites-nous du Juliette, parlez-nous des malheurs de votre vertu victime des guignons de la chair, croustillez dans l’ardeur d’un Crébillon-le-fils, abandonnez le subjonctif si vous voulez, mais, faite bander les foules !
Le goût du public ? On vous en fait un neuf bien américanisé au cœur de la machine Belgique, un bienséant cache-sexe anti masturbatoire à désespérer un bonobo !
Le cochon va vers la truffe, il est cent fois plus vrai que la nouvelle Célimène qui dit des vers gaillards de Ronsard, avec l’air vertueux d’une starlette qui demande un rôle à Harvey Weinstein.
Nous sommes dans la catastrophe, à cause sans doute du goût que nous avons de la catastrophe. L’école de repassage des slips, les remet dans les papiers de soie. L’entreprise est à la cuistrerie. Le massicot de l’autocensure est passé par là. Le sang n’est plus qu’un jus de betterave et le sperme un fouetté de Danone. La nature qui nous voulait hardie et hardi n’a plus son haleine de rose. Nous déposons sur la scène sans spectateur, nos desquamations brouillonnes, dans la peur des élites et des imbéciles.
Nous jouons faux, parce que nous ne sommes plus vrais !

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