Trompeuse apparence.
Les dernières études, sur le comportement des électeurs à propos des candidats sur lesquels se porte leur choix, ont eu pour effet de nous faire savoir que la démocratie repose sur des bases tout à fait curieuses, pas sérieuses du tout.
L’apparence physique est associée aux yeux des électeurs aux notions de compétences et d’incompétence. Le délit de sale gueule a le même effet au plus haut de l’échelle sociale qu’au plus bas !
Les électeurs s’accordent spontanément sur le pouvoir de séduction. Le plus séduisant semble le plus compétent. C’est encore plus vrai pour une femme politique.
Le marketing bat son plein et fait le maximum d’adeptes. Le genre sérieux et bien vêtu est l’apanage de la droite, tandis qu’il est naturel de paraître débraillé à gauche. On assiste ces derniers temps à l’uniformisation de la chemise sans cravate et un rapprochement des deux styles.
Aucun dirigeant n’échappe à la professionnalisation de son apparence et de ses idées. Vieux et avec un physique ingrat, Louis Michel s’est retiré juste à temps pour que les milieux libéraux conservateurs gardent de l’homme le souvenir d’une « pointure ». S’il se fût obstiné, son apparence allait causer des défections rue de la Toison d’Or. C’est même le trait commun de la famille, la nature ne les a pas favorisés. Le fils, à moins de cinquante ans ayant obtenu son bâton de maréchal pourra se retirer à la soixantaine, après sa carrière européenne, dans l’appréciation générale, non encore plombée par le fait que dans cette famille, on vieillit mal.
Dans un tel contexte, on comprend le soin que le politique prend de sa personne. Depuis les années 60, des conseillers en marketing travaillent à modifier le look, la gestuelle et l’expression orale des candidats. Le flamand étant un parler plus rude, les parlementaires de la langue ont instinctivement le costume et cravate classiques, par contraste ; tandis que l’inflexion latine du français décontracte le candidat, le rendant proche de son public.
Les libéraux sont de grands amateurs du look américain. Eisenhower, paraissant un peu trop âgé pour un mandat présidentiel, fut le premier à adopter un léger maquillage sur un fond de teint, largement utilisé depuis au MR et au PS. La manipulation de l’image n’est donc pas une nouveauté. Denis Ducarme allant jusqu’à montrer au public une coiffure hippie, sous prétexte de soutenir les coiffeurs, son chef de file n’est pas en reste avec une barbe définitive de trois jours réclamant les plus grands soins, comme on le ferait d’un bonzaï.
Il est incontestable que GL Bouchez se veut un leader de charme, comptant sur sa jeunesse qui pourtant est un handicap, parce que synonyme de manque de maturité, alors qu’il veut, au contraire, en user comme d’un atout. Il essaie d’en effacer le côté juvénile par un flux ininterrompu de bonnes et de mauvaises raisons tentant de faire savoir qu’il connaît toutes les composantes, pour trancher tout problème en connaissant le sujet à fond, le faisant de la sorte passer pour un jeune prodige, le Mozart de la politique !
Ducarme a choisi résolument le look de Donald Reagan, toujours bronzé et souriant. Sauf que le caractère sombre et rancunier du politicien ne colle vraiment pas au personnage auquel il voudrait ressembler, d’où certains côtés pénibles que son comportement révèle, qui lui a coûté la présidence du MR.
Au MR, on s’adonne au « media training ». Ils reçoivent des conseils sur leur apparence, leurs vêtements et la manière d’occuper les mains lors d’interview. Certains gestes sont à proscrire, comme le doigt pointé menaçant le téléspectateur ou les mouvements amples. Tout cela n’est rien à côté de l’expression du visage. Bacquelaine ne parvient pas à rendre le sien convaincant. Quand il s’y essaie, il semble être fâché sur quelqu’un qu’on ne voit pas. Il a un tic. Il fait « ses yeux », comme s’il réprimandait des enfants. C’est son diplôme de médecine qui lui remonte au visage. Il semble enseigner ce qu’il dit. Cela le rend ridicule.
Les femmes sont moins sujettes à montrer combien elles se surveillent lors d’interviews, pour la bonne raison qu’elles le font naturellement et que le maquillage chez elles, va de soi. Elles paraissent plus naturelles que les hommes. Mais elles accrochent malgré tout le regard sexiste des électeurs. D’avoir des formes et de belles jambes jouent certainement dans la crédibilité qu’on leur suppose, soit en moins pour les aigris, soit en plus pour les égrillards.
Le choix ainsi fait, montre bien que la démocratie est un produit subjectif de notre culture.