Ils ne manquent pas d’air
On sait la raison qui empêche d’avoir un débat sur le fond en Belgique, c’est le temps consacré aux détails. Et elle est en partie volontaire.
Ce qui compte pour l’avenir, n’est-ce pas de mettre en équation quel type de société nous voulons et quels sont les moyens que nous avons pour mener à bien les changements ?
Par exemple, nous ne sommes pas un pays ayant tiré avantageusement son épingle du jeu avec l’euro, les gens croient le contraire. Ils n’associent pas la montée de la pauvreté à l’euro.
À suivre les partis de pouvoir, notre système est le meilleur du monde. Pourquoi en changer ? L’accroissement des fortunes et de la misère prouve le contraire ! Il y a urgence.
Les années de débats que nous aurions dû avoir sur l’économie, l’Europe et nos relations avec les autres États, manquent pour nous faire une opinion. Comme si cela allait de soi que nous soyons entraînés à considérer l’Europe comme le parangon de notre organisation sociale !
Ce débat contradictoire vraiment dans la pure ligne de la démocratie nous ne l’aurons pas.
Il y a une fatalité belge d’engourdissement et de paresse qui nous poussent à faire ce que font les autres. On délègue notre souveraineté à l’Europe, à ses traités, à l’espèce de dévotion que nous portons aux USA, à l’illusion que le système économique capitaliste est le meilleur, etc.
Comme pour exister la vie politique a besoin de débats et d’actions, nos hommes de pouvoir en trouvent dans les détails. L’usine à gaz Belgique n’en manque pas.
C’est Denis Ducarme qui interpelle Frank Vanderbroucke sur la ventilation des lieux publics qui vont rouvrir bientôt. Les journaux s’emparent du sujet et nous livrent en long et en large les avantages et les inconvénients des épurateurs d’air.
Je ne dis pas que ce genre de discussion n’est pas nécessaire et que cela n’intéresse pas le public, mais c’est la place énorme que cet infime problème prend dans nos préoccupations et notre intérêt général, alors que c’est l’inverse dès qu’on touche aux sujets sensibles. Par exemple, le carcan pour une économie libérale inscrit dans le Traité de Maëstricht.
On en est à peu près réduit aux mêmes petits riens quasi mondains, à propos de la loi pandémie.
La commission de l’Intérieur de la Chambre approuve le projet de loi pandémie de la ministre Annelies Verlinden, relatif aux mesures de police administrative lors d’une situation d’urgence épidémique.
La grande question des libertés individuelles et du possible usage qu’un parti majoritaire pourrait faire de cette ixième mouture d’une loi de protection civile ne vient à l’esprit de personne.
Le débat, dès lors, sur quoi porte-t-il ?
Sur le délai entre la fin de l’ancienne loi d’urgence sanitaire abrogée et la parution aux moniteurs de la nouvelle ! C’est-à-dire que nous n’aurions aucun moyen de contraindre les citoyens de rester chez eux et de faire baisser les volets des entreprises, pendant quinze jours trois semaines lors de cet entre deux lois !
On s’empoigne là-dessus, comme si nous n’étions pas en plein milieu d’une pandémie dont nous avons gérer plus ou moins les effets et qui se trouvera toujours là pendant ces quinze jours, trois semaines, de no-mans-land entre les deux lois, comme si les mesures de confinement et de distanciation allaient se trouver caduques quinze jours au cours desquels une action d’un autre virus supplanterait l’ancien !
Une des raisons qui font que les citoyens tournent le dos à la vie politique de ce Royaume d’opérette tient dans l’espèce de pourrissement des réelles préoccupations des gens, remplacés par les petits riens qui comblent la vanité des libéraux et des socialistes.
Que cette société s’effondre sous le poids de ses contradictions, ces intellectuels, cons comme la lune, en seront surpris et nous consternés.