Déchiré !
La France officielle est dévastée. L’idole absolue Kylian Mbappé a raté « son » pénalty ! L’Haut-Lieu comptait sur lui pour reparler de la réforme des retraites. Le président Macron réfléchit sur une autre campagne pour sa réélection. Il pense investir dans la culture woke. Brigitte est dévastée. Malgré la couche de fard, elle craint qu’Emmanuel ne se déprenne d’elle à un mauvais moment et qu’il ne soit plus le même à la prochaine séance de tirs au but.
Comme d’hab les deux-tiers des électeurs sont muets. Il y a bien quelques hurluberlus désespérés qu’on filme surtout de face. Lorsqu’ils pleurent, les larmes font des sillons bleu-blanc-rouge du plus bel effet.
Quant aux gens, voilà longtemps qu’on ne sait plus ce qu’ils pensent. C’est-à-dire qu’on ne le savait que trop quand Macron estimait nécessaire de faire une tournée des ronds-points, histoire de calmer les Gilets Jaunes.
Tandis qu’il rejoignait l’Élysée aux sons des trompettes de la renommée et que les journaux n’en finissaient plus de trouver son intervention populaire magistrale, les gens retournaient chez eux, éborgnés, estropiés, maussades. Aussitôt, profitant que ces désespérés tournaient le dos, on a refermé la trappe. Les magistrats qui avaient condamné en masse des innocents, abandonnaient les poursuites des dossiers restant. Ces Gilets Jaunes étaient définitivement infréquentables. Il valait mieux oublier tout.
À force de n’en plus parler, l’Haut-Lieu les a oublié tout à fait. Ce n’est qu’à l’occasion d’une défaite au foot qu’on s’en inquiète. On sait comme est le peuple quand il est dévasté. C’est simple, il dévaste tout pour que ça se sache. Car il sait bien, le peuple, quand il est dévasté tout seul, qu’il n’attire l’attention de personne.
Certes, on lui dit le contraire à l’occasion d’une élection. On a diffusé sur les grandes chaînes le beau discours de Xavier Bertrand réélu dans les Hauts-de-France, que lui Bertrand devait sa réélection aux petites gens et qu’il ne les oublierait pas. Sauf qu’il a été réélu avec si peu de voix, que Jérôme Fourquet n’est pas certain que cela soit suffisant pour parler du peuple.
On en revient au pénalty raté de Mbappé.
C’est insignifiant en soi et l’Élysée s’en fiche éperdument. Mais si au lieu d’occuper l’opinion, cette péripétie sportive avait un effet papillon ?
Là encore, c’est peu connaître « la bête » en cage.
La majorité a déserté la démocratie. Celle du haut du panier, des ministres et des grands de l’Europe des 27, n’en est que l’ersatz.
Le peuple eût préféré que le pied de Mbappé fût inflexible. Cela eût contribué à ce que la tartine à la margarine devînt plus facile à digérer. Mais quant à en faire une affaire, même si son salaire est plus important que celui de Macron, c’est méconnaître les gens. Les démocrates chics et fortunés se trompent du tout au tout. C’est même leur talon d’Achille, que ces Science-Po, École normale Sup et ENA réunis tapent à côté du clou. Cela réjouit l’électeur majoritaire depuis qu’il ne vote plus.
– Comme ils sont cons, ces notables, pense-t-il !
Les gens ont compris, de A à Z. Ils ne sont plus en démocratie depuis si longtemps qu’ils en ont déduit que les porte-étendards de l’Élysée et d’ailleurs sont des idiots parés des plumes de paon, puisqu’ils ne s’en sont pas aperçus… à moins qu’ils jouent à faire semblant, parce que tout bêtement leur version de la démocratie leur rapporte de l’argent, du confort et de la considération. C’est l’ersatz qui les fait vivre !
L’Abstention est le plus grand parti de France. Il compte deux fois plus d’adhérents que le reste d’électeurs réunis.
La question du pénalty raté de Mbappé n’appelle que deux réponses. La première préoccupe l’Haut-Lieu. Comment faire pour que l’équipe de foot nationale fasse à nouveau rêver ? La seconde débouche sur la manière dont le plus grand parti de France va s’y prendre pour sanctionner l’Élysée, au lieu de Mbappé ?
La méthode patronale a parfois du bon. On les fiche tous à la porte pour faute grave sans préavis. Comme le patron, c’est l’Élysée, on n’est pas sûr qu’il se licencie lui-même.
Le boycotter façon Gilet-Jaune en occupant de nouveau les ronds-points ? Ils s’arrangeront pour convoquer leurs alliés les black-block, pour éborgner sur place le plus possible d’antisystème. Le plus grand parti de France réfléchit.
L’Élysée a raison d’avoir peur.