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Oufti !

J’ai rencontré un type bizarre à une sortie d’autoroute. Il mendiait son pain et tout le monde lui crachait dessus, normal quand on est consommateur consommant, comme sont devenus les gens de cracher sur plus petit que soi !
C’était la pleine sieste collective. Les automobilistes se faisant rares, il s’était réfugié sous un troène à l’abri de la seule ombre aux alentours. On avait eu tous les deux l’idée de convoiter la même fraîcheur, comme il y était arrivé le premier, je dus parlementer et faire la conversation.
Ce type s’appelait Dieu, tout simplement et pour parfaire la mise en scène et le rendre ridicule, ses parents n’avaient rien trouvé d’autre que le prénommé Jésus ! Des gens peu au courant, en quelque sorte, s’ils avaient été un peu attentifs à la mode, ils l’eussent prénommé Mohammed.
Bref, Jésus avaient des dons qu’il n’avait jamais exploités comme l’Autre. Il tira de sa poche un jeu de cartes et me fit un tour que je suis encore à me demander le truc employé qui m’était passé sous le nez. Comme il était assez fier de la seule chose qu’il pût faire pour que l’on prît intérêt à sa personne, je le félicitai ce dont il parut satisfait.
Il parlait un sabir difficilement compréhensible qui pour un intellectuel d’ordre supérieur, comme il en pleut dans ce gouvernement, était le fait d’un inculte qui avait brossé l’école dès son plus jeune âge ; bien que des fanatiques en d’autres temps eussent confondu ce langage avec l’araméen.
Sa vie n’avait été qu’un entremêlement entre chômage et travail partiel toujours pénible et sans promotion possible. Il vivait dans le trou d’un mur, avec un bout de tôle et deux planches pourries comme toit.
Il me raconta cela moyennant deux euros dont il m’avait au préalable taxé pour prix de sa conversation, en me spécifiant honnêtement que je n’en aurais certainement pas pour mon argent.
J’observai quand même qu’il mangeait un crouton de pain avec du beurre, sans doute rance, mais de façon particulière. Ce n’était pas sa main qui approchait le pain, mais le pain qui venait à lui ! Il me rassura dans son baragouin qu’il tenait ça de son enfance, même qu’il avait été très jeune mis en maison de correction pour des choses qu’on avait trouvées dans ses poches et qui apparemment n’étaient pas à lui.
Pour deux euros supplémentaires, il me prédit une malheureuse fin ainsi que tous ceux que je pouvais apercevoir qui déboulaient de l’autoroute.

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En gros, notre espèce avait survécu justement parce qu’elle s’était dispersée et qu’elle avait résisté à tout en se dispersant. Ce qui n’était manifestement plus le cas aujourd’hui avec l’économie mondialisée. De la pandémie qui n’avait disparu en été que parce que son vecteur était saisonnier, comme la grippe, on ne perdait rien pour attendre en septembre. Il en viendrait d’autres et encore d’autres, de plus en plus terribles jusqu’à ce que l’humanité s’effondre et retourne à sa dispersion primitive… Il ne répondit pas à ma question qui était pourtant frappée du bon sens « Pourquoi poursuivons-nous l’idée d’un village mondial d’un seul tenant, « néolibéral », puisqu’il en découlera des maladies épouvantables ? ».
Ce faisant il se levait pour reprendre sa quête et éviter les crachats, quand deux gendarmes sortis des buissons comme du diable-vauvert mous abordèrent. Ils me demandèrent poliment mes papiers, les consultèrent avec sérieux pour me les rendre avec une certaine curiosité.
Qu’est-ce que je pouvais bien faire avec ce pauvre type ?
À vrai dire, c’était la question que je me posais depuis le début.
Parce que, voyez-vous, dit l’un deux, vous avez devant vous Henri Avaro, un casier judiciaire à remplir un rayon. Vous êtes sûr qu’il ne vous a pas piqué votre montre ?
Pendant ce monologue, j’observais Dieu qui semblait en train de regretter la manche qu’il ratait, alors que les autos dévalaient la bretelle dans une recrudescence de pétarades pour stopper au feu rouge.
Le gendarme poursuivit d’un air calme. « On ne veut plus Avaro nulle part. Les asiles de nuit ont mis sa photo sous le nez des bénévoles pour qu’ils ne l’hébergent pas. Nous, on a compris, la justice ne veut plus en entendre parler. On veut juste s’assurer qu’il ne dérange personne.
Pendant ce temps, Henri avait rejoint son point de départ, sous les feux rouges et verts, attendant qu’ils passent au rouge, pour remonter la colonne la main tendue devant les vitres qui se fermaient à son passage.
Je fus moi-même repris dans la sarabande motorisée.
Le soir en me dépouillant de mon veston, me faisant les poches, quelle ne fut pas ma surprise de retrouver les quatre euros que j’avais donnés à Dieu !

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