Apprendre à philosopher…
Etre en bonne santé est l’essentiel, pour la conserver, il n’y a rien de mieux que le rire !
Faire une chronique sur le « pas sérieux » alors que la situation du monde, le Covid et les intempéries incitent au sérieux et à la gravité, serait par certains pris pour une moquerie.
S’il suffisait de rire pour être sage, sans que cette gaieté ne soit pas une injure pour les gens tristes, le monde s’y reconnaîtrait. La vie serait meilleure, même pour ceux qui vivent dans la précarité et dans l’horreur des événements.
L’existence d’une philosophie du rire deviendrait nécessaire pour affronter le pire.
Il suffirait de considérer la philosophie comme un acte de joie. N’est-elle pas un des moyens de se désencombrer l’esprit des noirceurs qui nous assaillent ?... de nous faire entendre raison contre nous-mêmes ?
Non pas cette joie sur jouée qu’affecte Paul Valéry, à la rupture d’avec Jeanne Loviton (Héra). Il se persuade qu’elle sera le soir auprès de lui, fuyant la réalité d’une absence définitive, mais une joie franche, celle d’un rire intérieur !
La plupart des milieux considèrent la philosophie comme une pédanterie. De fait, les philosophes se doivent d’être modestes, en référenceurs des maîtres du passé. Des Kant et des Nietzsche à chaque tournure de phrase, comment voulez-vous qu’un philosophe comme Eindhoven ne soit pas pédant ?
On ne philosophe pas pour philosopher, mais pour nuire à la bêtise des autres et surtout à la sienne. On y gagne en sagesse, on y perd son donquichottisme et son instinct matamore.
C’est à se demander pourquoi il ne serait pas exigé en politique, au lieu d’un diplôme d’avocat comme ils en ont tous, une agrégation en philosophie ? On verrait moins de batteurs d’estrade se profiler en tête de gondole et pas que dans les partis et au gouvernement, dans la vie de tous les jours, de l’épicier du coin et dans chaque ménage ! Que de sottes disputes seraient évitées…
Philosopher, c’est apprendre à rire. Apprendre à mourir aussi (Montaigne), c’est-à-dire affronter l’inéluctable avec la sérénité de Platon (Phédon). S’effaroucher à la pensée que nous sommes mortels ne sert à rien, qu’à se mettre martel en tête la vie durant.
L’humour s’exprime de nos ridicules quand on en a appris la méthode. De ce point de vue, la malice et les facéties des Cyniques sont des sources du rire encore de nos jours. Si l’on voulait se donner la peine d’imaginer que tout ce qui touche au très ancien, nous touche au présent, on serait moins faraud à dénigrer tout ce qui fût.
Le rire consiste à se réjouir de l’existence. Le rire philosophique est affirmateur de l’humour, du comique et de l’esprit. En ces temps difficiles, c’est quasiment faire de la résistance au chagrin et à l’impitoyable circonstance qui pousse des innocents au désastre.
Reste à mesurer le rire par rapport à la douleur de sorte qu’il ne soit pas pris comme une insulte, alors que l’utilisateur a de bonnes intentions. Le soulagement de la conscience est l’enjeu.
Par le rire, on regagne un plaisir perdu. Il y a toujours un rejaillissement possible de la mémoire affective. Tout conduit à l’humeur joyeuse de l’enfance que nous avons quittée avec plus ou moins de nostalgie et de souvenirs. Alors, nous goûtions à la joie sans condition, sans le recours aux plaisirs de substitution qui viendront plus tard.
Le rire, à l’instar de l’art, soulage de la souffrance. L’humour contrarie en somme le tragique de l’existence. « L’humour ne se résigne pas, il défie, il implique non seulement le triomphe du moi, mais encore du principe du plaisir qui trouve ainsi moyen de s’affirmer en dépit de réalités extérieures défavorables » a écrit un philosophe qui me pardonnera de le citer tout en n’ayant pas retenu son nom.