Ils nous ont au culot !
Avec le Covid, la communication officielle est passée d’ennuyeuse à larmoyante, si l’on excepte le temps que Maggie De Block siégea au gouvernement, tant elle avait l’effet comique de ses interventions sur le tragique du moment.
Quand on ne croit pas à ce que l’on dit et qu’on balance le tout sur un ton léger, la foule est partagée entre l’indignation (des gens n’auraient pas dû mourir) et le rire libérateur.
Maggie disparue, c’est une figure longue comme un jour sans pain qui la remplaça.
Le ministre Vandenbroucke !... C’est Titus qui renvoie Bérénice. Le drame est permanent sur cette face blême vouée au malheur.
Alexander De Croo passe aussi pour un triste. Mais un triste « raisonnable » à double face, qui doit changer du tout au tout en partie fine.
La situation, à tous points de vue, est exécrable, y compris la base de notre vivre ensemble : la démocratie « notre ciment » n’est que la glycine qui cache la façade de la richesse et des plaisirs. Elle est si peu conforme à la réalité, que devant l’évidence de la tricherie, il faut en prendre son parti. On ne peut pas passer sa vie à se jeter à l’eau.
C’est l’humoriste qui découvre aux toilettes un vieux livre de « Fou rire » dont on sait qu’il n’a jamais fait rire personne. Il le feuillette, faute de mieux, pour tuer le temps. La démocratie, c’est ça… un concours de grands mots qui s’achève en pet d’âne, justement de celui qui portait les reliques de La Fontaine.
Figaro a le bon réflexe « Je me presse de rire de tout, de peur d’être obligé d’en pleurer ».
Il y a deux sortes de rire. Celui, complaisant : rire « avec ». C’est le rire forcé du politicien parlant à ses mandants à qui il doit faire croire qu’il a tous les dossiers en main, alors qu’il n’en a aucun. Enfin le rire indépendant venant au naturel à l’esprit bien né, parce qu’un bon mot reste un bon mot, quelle que soit la bouche qui le profère. La réalité est si terrible, parfois, qu’on n’a plus qu’à se ficher de la fin du monde, en pensant qu’elle n’est pas pour tout de suite.
Les députés et ministres devraient le savoir, il n’y a rien de pire en communication que d’être ennuyeux. C’est facile de plomber son texte dans des sujets sérieux. C’est le cas ces temps derniers. Voilà même presque deux ans qu’on y est. Une pandémie comparable à la Grippe espagnole de 18, ce n’est pas rien.
Les porte-paroles des sciences finissent par mieux s’en sortir et ont l’air moins accablé qu’un Macron ou qu’un Michel. Vandenbroucke et Clarinval sont inégalables dans la tristesse et l’ennui. Il faut avoir l’esprit bien accroché pour n’avoir pas envie de se flinguer. Comment éviter le décrochage en donnant des chiffres qui font froid dans le dos, combien en soins intensifs, combien de morts hier…
Le seul moyen d’éviter ce piège, c’est de le « décliquer ». Vandenbroucke a compris. Le croquemort du gouvernement, justement n‘est pas au gouvernement. C’est un urgentiste ou un professeur, en général pas un rigolo qui fait souvent le boulot. Le ministre l’échappe belle, avec sa gueule d’enterrement, il allait encore perdre des points de satisfaction.
De la politique on descend au rayon entreprise, la prédilection de Georges-Louis Bouchez qui éclate d’optimisme pour toute entreprise et un peu moins pour ceux qui sont à l’intérieur. Mais il en fait trop, comme à son habitude. Ce qu’il dit est loin d’être original, même si la façon de le dire est piquante et tonitruante, comme si nous étions sourds ou qu’une vérité doit être quasiment criée pour être comprise.
Voilà qui lui fait des fans que Ducarme, héros fatigué des classes moyennes, n’a pas. Avec un ton neutre et impersonnel et la tête de quelqu’un qu’on croirait sortir d’un repas de première communion, après sept heures à table, faute de conversation possible avec ses voisins. Aborder les choses sérieuses sur un ton décalé, c’est construire une identité qui n’a rien à voir avec le copier/coller de quelqu’un dont les idées ne viennent pas. L’entrepreneur qui a saisi la technique passe pour plus bienveillant qu’il n’est. Il diversifie sa pensée en litotes et métaphores et n’aborde les sujets qui fâchent que par la dérision.
Parler de choses sérieuses avec légèreté, mine de rien, c’est les prendre très au sérieux. Utiliser un ton ludique et divertissant, c’est se donner du recul par rapport au sujet et à sa gravité. Quand l’assemblée est « dans la poche » les chevronnés de la mise en boîte finissent par l’avoir… le renouvellement de leur mandat de la prochaine législature.