La groupie du parti.
L’arrivée de Nadia Geerts au staff des libéraux avenue de la Toison d’Or à grand renfort de trompettes fait partie de ce que l’on pourrait appeler une chasse à la notoriété du MR, afin de se nourrir de la notoriété des autres. C’est devenu commun que des politiciens connus ou espérant le devenir se font volontiers photographier avec des célébrités du sport ou du cinéma.
Non pas que Nadia Geerts soit une star de premier rang, mais elle compte quand même dans les mouvements de l’émancipation des femmes, dans leurs légitimes revendications et notamment dans leur aspect laïque.
L’excentricité de la dame apporte un air nouveau dans une société des élites un peu compassée et colle parfaitement au bras tatoué et souvent exhibé de Georges-Louis Bouchez.
Les caméras partout, le téléphone portable, la facilité de reproduction des visages ont creusé une forte différence entre celles et ceux qui sont reconnu(e)s par un grand nombre de gens qu’elles-mêmes ne connaissent pas et les gens qualifiés d’ordinaire grâce à cette singularité, qui reconnaissent sans être reconnus.
Cette chose apparemment simple est pourtant un trait majeur de notre démocratie qui pratique ainsi une reconnaissance par la notoriété et l’image qui n’a strictement rien à voir avec la capacité de conduire les affaires publiques de manière brillante et honnête.
Cette société est décadente parce qu’elle fait reposer l’excellence sur la seule visibilité et qu’elle n’a pas encore trouvé un moyen juste et équitable pour étoffer sur d’autres valeurs ses élites politiques. La filiation qui passe le relai d’une génération à l’autre dans la plus pure tradition monarchique et qui n’émeut personne, est la pire de toute. On cite souvent le cas de la famille Michel qui se reproduit dans les mêmes fonctions de père en fils, comme si la politique était de la même espèce qu’un commerce ou une étude de notaire.
Les effets de démocratisation dans l’accès à la célébrité ne sauraient compenser l’accroissement des privilèges. Souvent l’argent est à la base des « mérites » attribués à l’élite, puisque l’argent dispense les moyens de se rendre visible dans des endroits et des moments propices à un fort éclairage sur le sujet en quête de notoriété, que l’homme de la rue ne saurait atteindre.
L’inégalité dans l’interconnaissance est l’une des formes les plus simples et les plus fondamentales d’inégalité.
L’entartage mis en pratique courante par Noël Godin peut passer pour une compensation par le ridicule de la suffisance de certains à jouir de leur notoriété pour en remettre sur des sujets qu’ils ne maîtrisent pas suffisamment. Quoique contestable par la gratuité d’une violence d’une tarte à la crème en pleine figure, cette forme de protestation à quelque chose de jubilatoire pour le public quand elle atteint des péroreurs actifs comme Bernard-Henri Lévy.
Quoique purement morale l’image produite par un entartage devant les photographes n’est pas rien.
Après avoir été victime d’un entartage rien n’est comme avant. C’est la représentation de soi qui est altérée. Pour des hommes politiques, c’est un préjudice encore plus grave que pour un philosophe. Jean-Pierre Chevènement ayant été entarté, sa crédibilité par la suite n’a plus été la même.
On mesure sa notoriété dans les bains de foule. Le moment où l’homme politique reconnu par son image et toute sa personne par des centaines de gens qui l’ont vu défiler dans les actualités, dans les journaux, même dans les peoples, est un moment fabuleux pour celui qui le prend.
On cite le photographe Depardon qui suivit Valéry Giscard d’Estaing en campagne électorale « Combien de fois en 1974, j’ai vu Giscard après un bain de foule remonter dans la foule en état de jouissance… ».
L’image de la drogue revient fréquemment dans l’addiction que l’homme d’estrade acquiert en faisant son métier de la politique.
Le désir d’être vu chez Georges-Louis Bouchez relève de la volonté d’exercer un pouvoir par l’exhibition de soi. Chez cette personnalité politique le contentement de son moi physique est tel qu’il lui procure l’assurance qu’il est le meilleur aussi dans l’excellence de la phrase et la justesse du raisonnement, même si une fois démonté, c’est tout simplement stupide. Mais qui le sait, qui le perçoit à l’instant où il s’assure que son verbe surmonte tous les autres ?
La haine du peuple n’est pas un sentiment montrable dans la société actuelle. Elle n’apparaît chez les libéraux que dans le choix des mesures à prendre dans l’organisation de la vie publique. C’est-à-dire par le biais caché des décisions antipopulaires sur lesquelles le MR a particulièrement insisté. C’est le contraire de l’apparence que l’on se donne pour atteindre à plus de notoriété.
Ce tour de piste a quelque chose d’effrayant. Il démontre que le personnel qui a barre sur nous parce qu’il fait de la politique n’est pas – selon le mot de Valéry – le meilleur, mais le pire, par la manière dont il se fait valoir pour réussir.
On peut donc légitimement avoir une suspicion motivée par la gestion de nos institutions par ces gens ainsi recrutés.
Comment faire autrement ? Voilà deux cents ans qu’on y pense.