Gobseckt, d’Anvers et d’ailleurs !
Un pénultième scandale dans les paradis fiscaux implique les fortunes belges.
L’indignation à répétitions finit par passer inaperçue. Et puis les journaux font plus de recettes au faux pas d’un chômeur, qu’à celui d’un « honnête » oisif, qui place ses excédents dans des pays encore plus indulgents que le nôtre, en matière de dépôts bancaires.
Le petit délinquant des rues nourrit le fait-divers sordide. Le grand s’illustre ailleurs, dans des endroits chics, du genre Westin Europa & Regina entre autres, où se croisent l’Académie, la Politique et la Banque. Closer et Purepeople l’accueillent pour d’autres raisons. On n’y parle même pas du tout de délinquance. Mendier son pain est déjà un crime pour ces grands libéraux, que dire si, à défaut de le mendier, les pauvres le volaient !
Après avoir dénoncé l’immonde chômeur, Bouchez s’attaque à l’évasion fiscale mais en partant d’un autre raisonnement, afin que les plus fortunés ne soient plus soumis à la tentation de l’émigration économique. Afin que le fric de qualité supérieure reste chez nous, il plaide en louchébèm la diminution de la pression fiscale !
Oh ! ça ne se chante pas sur tous les toits, mais dans des cabinets ministériels et des réunions entre gens bien. L’entre-soi favorise la compréhension, c’est une question de niveau.
Comme ils sont tous au top-sommet, Georges-Louis compris et Elio de la gare de Mons, les idées avancent plus vite en bonne compagnie.
Mine de rien, en plaçant la taxe sur la consommation d’électricité à 21 %, Charles Michel en cadeau de départ savait ce qu’il faisait. Diminuer la pression fiscale en augmentant la TVA, payées aux trois quarts par les ploucs, voilà une belle et grande mesure libérale !
Un porte-cierges d’un des partis associés au gouvernement, en a sorti une bien bonne. On ne peut pas augmenter les taxes sur la fortune parce que tous les riches tricheraient et que l’entente des surtaxés engendreraient une tempête financière.
On pourrait poursuivre ce raisonnement par « si tous les chômeurs trichaient, il deviendrait évident qu’on ne pourrait plus rien leur reprendre ».
Rien ne dit que détaxer les gens fortunés leur donnerait plus de civisme et de vertu. On ne redistribue plus par l’impôt le fric excédentaire des plus riches sur les plus pauvres. L’État providence n’existe plus depuis 1980. L’orientation néolibérale est en passe de détruire ce qu’il en reste. En haut-lieu, on calcule au plus juste pour éviter l’émeute. Alors autant admirer le nombre en progrès constant par an des grosses fortunes.
En Belgique, ceux qui vivent de leur capital s’en sortent mieux que ceux qui vivent de leur travail. Nous sommes parmi les bons élèves du « tout pour moi et rien pour les autres » formule-clé du succès prodigieux d’un parti libéral qui innove en la matière.
Les socialistes ne sont pas en reste. Eux pensent la même chose, mais le disent autrement. La Belgique n’est pas une île. Le contrôle et la punition de l’évasion fiscale ne peut fonctionner qu’à une échelle internationale. Dans le domaine, nos élites ne sont pas chaudes. Quand on est voisin des grands paradis du flouze, Hollande et Luxembourg, il n’échappe à personne que le fisc belge happe au passage des miettes, qui font les successeurs libéraux d’Armand De Decker heureux.
Le cri du cœur vaguement socialiste « c’est tout le monde ou c’est personne » ravit les placiers jusqu’en Irlande ! étant entendu que nos poses de justiciers, c’est de la frime pour faire plaisir au peuple, histoire de couper la chique au PTB.
« Les lois sont des toiles d’araignée à travers lesquelles passent les grosses mouches et où restent les petites. » avait déjà remarqué Balzac dans « La Maison Nucingen ».
Besoin pour les uns, argent pour les autres.
Les Totos du tout pour le fric, jusqu’à la destruction de l’environnement sont bien tous dans cette majorité gouvernementale. Il y a dans cette passion de l’or quelque chose de monstrueux.
En voyant Di Rupo se moquant des gens au parlement wallon à propos de sa gare fichant en l’air le principe d’économie de l’État, même si c’est la SNCB qui signe les chèques, on sait bien que c’est nous qui payons, On avait devant nous le type de politicien se réclamant du peuple et agissant contre lui. Et on ne pouvait s’empêcher de penser à cette réflexion de Balzac à propos de Gobseckt (page 625) « Quelques fois, ses victimes criaient beaucoup, s’emportaient puis, après, il se faisait un grand silence comme dans une cuisine où on égorge un canard.
Oui, ces gens nous égorgent au profit de leurs compères les riches, falsifiant les comptes, dénaturent la démocratie et assurent pourtant les plus débiles d’entre nous de leur honnêteté et de leur désintéressement.