Combattants en fer blanc.
Tandis que le chef de la Région s’est fichu par terre à Mons et que les socialistes ne parlent plus que de ça ; tandis que les libéraux pendus aux basques de Georges-Louis Bouchez attendent de nouvelles mesures contre les chômeurs au bonheur d’être en pantoufles par mauvais temps ; tandis que Prévot se gauchise, Alda Greoli ondoie sur FB en critiqueuse ; tandis que le peuple, estomaqué par Vandenbroucke d’Omicron, n’a plus autre chose en tête ; les Etats sont à Genève pour une discussion éthique sur les robots tueurs, cette nouvelle manière de faire la guerre sans chair et sans os.
C’est une nouveauté. On lance sur le champ de bataille des ferrailles intelligentes munies de tout ce qu’il faut pour étriper l’adversaire. Sauf si l’adversaire en fait autant. Alors la guerre bascule dans un exercice d’ouvre-boîte. Auquel cas, le robot soldat le plus performant serait un décapsuleur hors-pair.
Le vainqueur sera évidemment l’État le plus riche qui met en piste le plus grand nombre de robots.
Henry Dunant, fondateur de la Croix-Rouge n’aurait pu imaginer en son temps, que l’infirmier d’un chant de bataille, deux siècles plus tard, fut un soudeur à l’arc et à l’autogène.
Reste que le débat est plus sérieux que dans le film Woody et les robots.
La perspective d’un déploiement d’armes létales autonomes sur le champ de bataille fait dresser les cheveux sur la tête ! Surtout si l’un des belligérants est équipé et que l’autre ne l’est pas. Une pareille armée rendrait difficile les négociations de paix, puisque la population civile serait anéantie au fur et à mesure de l’avancée de la ferraille belliqueuse.
Pour l’heure, heureusement, ces armes d’un nouvel âge n’existent que dans l’imagination fertile des chefs d’État-major, ainsi que dans l’esprit tortueux des inventeurs. Mais le jour où elles entreront dans l’arsenal militaire, il deviendra urgent qu’elles obéissent à un contrôle humain, comme c’est le cas des avions sans pilote qui tuent à mille kilomètres de leur lanceur.
C’est sur quoi les Etats se penchent à Genève au Palais des Nations.
D’après les commentaires désabusés des journalistes spécialisés dans l’art de la guerre, les discussions sont au point mort. L’intérêt commun semble peu peser face au cynisme et aux égoïsmes nationaux.
Voici le texte sur lequel les délégués auront à réfléchir.
« Les esprits humains exaltés par leurs idées ou doctrines politiques peuvent déclencher et mener des guerres, par définition absurdes. Leur mettre à disposition des armes robotisées et autonomes grâce à ce nouvel outil informatique qu’est l’IA, serait suicidaire pour l’humanité. Il serait donc utile que le DHI puisse préciser que celui (responsables de partis, de doctrines, d’Etats) qui déclenche l’utilisation de ces engins dans les conflits armés en assume l’entière responsabilité et soit punissable. »
Le droit international humanitaire des Conventions de Genève est directement mis en cause. Le DIH pourrait courir un risque existentiel si rien n’est fait pour cadrer, voire interdire, les robots tueurs.
L’intelligence artificielle pose en effet la question d’une programmation des matériels qu’il serait difficile, sinon impossible d’arrêter.
Déjà les adolphins avec les V1 et les V2 enjambaient, dès 1942, la responsabilité de celui qui enclenche une arme dont il n’est plus le maître. On a fait mieux depuis avec les drones, les robots soldats venant en dernière nouveauté. Vous voyez d’ici le genre, l’armée de robots ayant tout détruit de l’adversaire se retournant contre ses propres lanceurs !
Le choix éthique fondamental de déléguer la conduite des hostilités à des machines fait froid dans le dos. Le moins, c’est de s’interroger sur la nature du progrès. Les ingénieurs conçoivent les projets sans s’interroger sur ce qu’est le progrès ! Ils ne sont pas payés pour ça. Comment intégrer dans le concret des techniques, des considérations philosophiques et éthiques propres à l’être humain ?
L’IA d’un robot-tueur n’est pas encore capable d’assimiler l’œuvre de Kant et de Spinoza. Et quand bien même le pourrait-il, les États-majors le souhaiteraient-ils, eux qui dans le domaine de l’éthique sont au niveau des quadrumanes des zoos ?
Septante années plus tard, on est toujours en discussions sur les crimes de guerre de certains nazis, tant les enquêtes sont nourries par les opinions pour tenter d’établir les responsabilités. Zemmour vient d’argumenter sur l’irresponsabilité de Pétain et du gouvernement de Vichy du sort des Juifs résidant en France.
Avec des robots tueurs pleinement autonomes, comment établir les responsabilités ? Impossible d’incriminer l’auteur des algorithmes, ni l’utilisateur qui se retrouverait dans l’incapacité de prévoir les effets d’un robot tueur. Or un droit humanitaire sans mécanisme efficace d’attribution des responsabilités pénales est un droit sans effet.
Un laisser-faire face aux armes autonomes serait inacceptable. Il ouvrirait le champ de bataille à des hostilités par procuration, à une déresponsabilisation de l’acte guerrier et en fin de compte à une inhumanité numérisée aux conséquences dévastatrices. Au siège du CICR à Genève, on espère que la raison l’emportera. Suite aux leçons du passé, on n’en est pas sûr !