Jacob Burckhardt : voyant.
La crise de civilisation que nous traversons n’est même par reconnue par le système. La raison évidente tient dans le danger d’introduire un doute dans la pensée positive qui enferme le libéralisme dans l’absolue foi de son bienfondé.
Certains, se référant aux travaux de Jacob Burckhardt, pencheraient plutôt pour la fin de notre civilisation judéo-chrétienne.
L’Histoire se subdiviserait en trois éléments qui interagissent : l'État, la religion et la culture.
L’État est imbriqué par ses partis et l’Europe dans l’économie libérale. L’ensemble des intérêts mélangés est appelé, pour faire court, le système.
Burckhardt détestait pour cette raison le goût moderne, qui refuse de s'ouvrir à l'altérité des civilisations.
Il avait sur ses contemporains le même regard que nous pourrions avoir sur les nôtres, en relevant ce penchant actuel des esprits fatigués à se contenter d’une sous-culture de production de masse.
La Belgique, ainsi que les autres États de l’Union Européenne, (le système) est un ensemble concentrant les pouvoirs. C’est un instrument de la violence qui se transforme en force et en droit par des discours de légitimation, légitimant d’abord le libéralisme sans jamais y déceler le moindre défaut, la moindre lacune. La propension de l'État à ne suivre que son intérêt s'exprime notamment par l'uniformisation de la pensée. C’est un facteur d'immobilisme, au même titre que le libéralisme qu’il défend de toutes les convictions de ses parties prenantes. Sa tendance actuelle est totalitaire. Le tout récent « Mouvement des libertés » qui a tenté de manifester à Paris soulève une fois de plus la question de la demande d’autorisation de manifester. Elle se quémande chez ceux-là mêmes qui ont intérêt à ce que la manifestation soit interdite !
L'État moderne devient un État policier qui régit tous les domaines de la société par la contrainte. Le capitalisme est la seule norme de l'existence humaine. L’Etat se gère désormais comme une bonne ou une mauvaise affaire.
Le dernier principe qui donnait encore un peu de temps à cette civilisation, la laïcité, est en train de disparaître au nom d’une certain wokisme et un retour à la religion comme composante des États. Et pas n’importe laquelle puisqu’il s’agit ici de la musulmane, montrant dans son expansion actuelle une forme d’agressivité qui échappe à la compréhension du système. C’est une forme de spiritualité très pauvre, incitant au fanatisme et à la brutalité.
Cette civilisation est à son déclin, parce qu’elle suscite des crises de désespoir qu’elle est incapable d’éteindre, parce qu’elle ne les comprend pas.
Cela tient essentiellement dans les composantes du pouvoir ségrégant le plus clair de la population de son élite. Celle-ci sortant d’une école s’abstrayant des contingences populaires, restera insensible à tout autre intérêt que sa classe
La question souveraine pour une civilisation en pleine forme tient au bonheur ou au malheur des gens. Diverses motivations, comme l'impatience, ou le besoin typiquement moderne de bien-être et de confort, nous conduisent à préférer une époque à une autre, à déclarer telle époque heureuse, telle autre malheureuse. Ces jugements n'ont aucune valeur pour un historien des civilisations. Celui-ci est fortement pessimiste à l'encontre de toutes les théories dans lesquelles les utopies politiques se nourrissent.
Une fin probable de cette civilisation dite Judéo-chrétienne qui s’était établie sur les ruines de la civilisation romaine vers les 3me et 4me siècles est donc probable, d’aucuns disent certaine.
Savoir quand elle aura lieu, c’est analyser les composantes de cette désagrégation, jusqu’à percevoir l’effet de bascule déterminant.
Il y a dans cette mise à mort d’une civilisation une sorte de grandeur lorsqu’elle est décrite à son apogée. C’est alors, lorsqu’il est trop tard, que commence la litanie des regrets.
Des milliers de dates parsèment le parcours de notre civilisation. Quelques-unes restent à l’esprit, d’autres disparaissent. Chacun en a un répertoire personnel.
29 mai 1453, prise de Byzance par les Turcs ;
12 septembre 1683, victoire de Jean Sobieski sur les Turcs aux portes de Vienne ;
1er juillet 1766, le Chevalier de la Barre condamné à mort pour blasphème et sacrilège ;
16 mai 1843, prise de la smala d’Abdelkader, par le duc d’Aumale ;
28 juin 1914, première guerre mondiale ;
1er novembre 1922, abolition du sultanat ottoman ;
1er septembre 1939, deuxième guerre mondiale ;
13 novembre 2015, assaut du Bataclan ;
30 août 2021, retrait d’Afghanistan.
Que pense Emmanuel Todd de Jacob Burckhardt ? La réponse à cette question est encore à trouver. (1)
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1. Dernier ouvrage paru d'Emmanuel Todd : Où en sont-elles ? – Les éditions du seuil.
Selon l’auteur, le dépassement éducatifs des hommes par les femmes remonterait à 1968. A partir de cette date, plus de femmes que d’hommes ont le bac en poche. Quelques années plus tard, le même phénomène s’applique aux études supérieures.