Monsieur Teste : « La bêtise n’est pas mon fort » ;
Le suffrage universel est une chose étrange, philosophiquement contestable et qui persiste, d’abord faute de mieux, et deuxièmement parce que le pouvoir l’a apprivoisé.
Selon l’esprit de la loi, le suffrage universel est juste parce qu’il permet au plus grand nombre de s’exprimer. La foule aurait toujours raison. Le dernier mot lui reviendrait en définitive.
C’est dans la composition de la foule que naissent les soupçons de vulnérabilité et d’insuffisance déductive.
La foule est un formidable réservoir d’intelligences et aussi de bêtises. Prodigue en tout, qualités comme défauts, les optimistes tablent sur les qualités, les pessimistes sur les défauts, pour faire de la démocratie le sommet du vivre ensemble ou la prison dans laquelle se languit le Juste.
Or, quelque soit le cas de figure dû-t-il y avoir 75 % d’intelligences pour 25 % de bêtises, c’est en définitive la bêtise qui l’emporte.
Dans la perspective du suffrage universel, les bonnes consciences et les belles âmes croient ne pas s’être trompées dans le choix. Quant à l’expérience la déception paraît, la culpabilité incite à la réflexion, puis à l’action. Le sot n’envisage pas la possibilité d’être coupable et encore moins d’être soupçonné de bêtise. Il rejettera toute mise en cause le concernant. Il a trop besoin d’être sûr de lui. L’absence d’une vraie aptitude à la pensée, l’impossibilité de sa manifestation concrète, déboucheront sur une insensibilité aux valeurs, caractéristique d’une faiblesse personnelle.
La période couvrant la propagation du Covid-19 allant de 2020 à 2022 est particulièrement significative de la victoire de la sottise sur l’intelligence.
Intelligents et sots étaient unis devant les annonces cataclysmiques du début de l’épidémie. Quelques mois plus tard, seuls les intelligents sont gagnés par le doute et s’interrogent sur l’instrumentalisation de la peur par les Autorités. Les sots, au contraire, trouvent le danger plus conséquent que les autorités elles-mêmes, le disent et les encouragent à des mesures sanitaires plus grandes. On a même frôlé la dénonciation anonyme du nom vacciné comme un acte patriotique !
Face aux marchands de peur, plus personne n’a été autorisé à exprimer le moindre doute. Les spécialistes qui dédramatisaient la situation ont été priés de se taire. Tandis que les sots applaudissaient, les intelligents y voyaient naître les ressorts d’une pensée totalitaire.
La presse, déjà fort imbriquée dans le pouvoir en place, avec le Covid-19, ne s’en cache même plus. Ainsi au fil des colonnes, à de rares exceptions, un esprit sectaire s’est installé au motif humaniste.
Les lecteurs prennent pour argent comptant les slogans des laboratoires. Les médecins de plateaux s’en saisissent, pour un carrousel de vérités contradictoires que personne ne relève.
Les intelligents y ont vu la perte de la démocratie à travers l’effondrement de tous les contre-pouvoirs. Les sots y ont vu une gestion de lutte contre le fléau.
Les sots ne se sentent vivre que dans la passivité. Ils adorent qu’on les surveille et exigent des ordres sévères de Vandenbroucke. Leur seule exigence c’est le bien-être, qu’ils soient récompensés de leur obéissance par l’absolue certitude qu’ils ne mourront pas du Covid intubés dans un couloir des urgences.
Cette période, qui n’est pas encore terminée, a révélé une grave crise de l’intelligence. Hypnotisés par ce virus, les sots ont même entraîné une partie des intelligents dans leur confrérie. Comme quoi si l’inverse est impossible, le passage d’un intelligent chez les sots est fréquent. Il y aura oublié la désindustrialisation, l’islamisme radical, l’affaiblissement du niveau scolaire, les lois linguistiques, le scandale des maisons de retraite, l’usine à gaz administrative de la Belgique.
Hormis les politiques qui sont satisfaits d’eux-mêmes par calcul, ceux qui sont satisfaits d’eux-mêmes restent bien les parangons de la bêtise et découragent tout véritable échange humain. Ils renoncent à tout savoir comme à tout pouvoir. Ils deviennent une substance impersonnelle. Ils se complaisent dans ce qui les limite.
Les grands partis traditionnels comptent sur eux pour leurs effectifs. Certains membres actifs de ces partis, s’essaient au ridicule à seule fin de les séduire. La recette est des plus faciles. Il suffit de se dépeindre suffisant et imbu de soi-même, réfutant à l’avance tout autre discours, pour qu’aussitôt les sots s’y reconnaissent.
Inutile de citer des noms, puisque Georges-Louis Bouchez fait la synthèse.
Il y a aussi une forme de bêtise que l’on rencontre à l’intérieur de l’érudition. Parfois l’augmentation de la bêtise croît parallèlement à l’accroissement du savoir.
On ne peut pas sortir du sujet sans citer Flaubert qui décelait la bêtise dans ceux qui veulent conclure.