Et si Mélenchon l’emportait ?
On assiste en France à la reconstruction d’une gauche qui fit jadis frémir les quartiers populaires. C’est celle que dessine peu à peu Mélenchon, d’un meeting en plein air à l’autre. Les Insoumis pourraient bien propulser leur candidat au deuxième tour de la présidentielle.
Car la gauche existe encore autrement que sous les faux-airs du socialisme à la Hollande passant la pommade à Anne Hidalgo (2 % dans les sondages), le même socialisme faux-jeton et collaborateur zélé du libéralisme que nous connaissons en Belgique. Cette gauche-là émarge au programme des boutiquiers assurant que la pension à 60 ans est impossible et que le smig ne pourrait être réévalué de 30 %, sans créer une cascade de faillites.
Quel bazar ce serait si Mélenchon devenait président de la République ! On en bave à l’avance.
Avec une majorité présidentielle, il faudrait pour respecter l’élection, que l’administration se pliât aux nouveaux objectifs et que le secteur industriel sous la menace d’une nationalisation dans ses velléités d’aller exploiter l’ouvrier ailleurs, se mît objectivement au service du programme. Ce qui est loin d’être acquis, tant on sent à l’avance les réticences du parti de l’ordre.
Cela n’irait pas sans affrontement direct avec le parti de Mélenchon, tous ces intellectuels branchés sur leurs relations avec les USA et les traités européens et probablement avec tous les partis de pouvoir d’Europe, frustrés de ne pas perpétuer sous Macron II les bonnes petites affaires entre copains.
Si bien que les grosses fortunes traîneraient les pieds dans leur nouvelle fonction à combler les inégalités d’aujourd’hui, par des apports massifs de leurs bénéfices à la construction de la nouvelle société.
Oui, ce serait comme une révolution permanente la droite de toujours et la gauche bobo à laquelle se rallierait Écolo, tous unis comme cochons après carême, pour ne pas se laisser dévorer par un nouveau Staline.
Ah ! la castagne au sommet de l’État rendant enfin à ce pays une coloration rouge pathétiquement absente sous le socialisme droitisé d’Hidalgo.
L’ancien pouvoir détenant tous les emplois, possédant le blanc-seing de la bourgeoisie, trouvant sans doute un allié de poids en Europe en Charles Michel, ne serait pas à court d’inventions, de chausse-trape, de pièges, du subtil au plus grossier, pour faire tomber « un ennemi de la France » au cœur du pouvoir, titreraient les journaux tous aux mains des milliardaires.
Eh ! quand bien même Mélenchon devant tant de haine et d’actions malveillantes échouerait dans l’application de son programme, quelle belle lutte à rendre la fierté aux gens que l’actuel pouvoir méprise !
N’a-t-il pas touché du doigt quelque chose qui ne ressemble à rien de ce qu’on voit sous le règne de Macron et qu’on ne retrouvera pas dans les prétendants à sa succession autres que Mélenchon : l’ambition de l’impossible et la rage d’y parvenir ?
À l’extérieur de la France, ce serait un chorus sur ces pauvres riches que Mélenchon dépouille.
En Belgique de Georges-Louis Bouchez à Di Rupo, on entendrait une avalanche de discours sceptiques, tous guettant le moment où sous les croche-pieds, Mélenchon s’étalerait et avec lui son quinquennat.
De l’Europe viendrait les avertissements, les mises en demeure et peut-être, comme pour les Polonais, des sanctions administratives et financières. Vous verriez les radios et les télévisions invariablement scotchées aux faits et gestes de Macron, prendre soudain leur distance et débuter dans un art de la critique dont elles ignoraient jusque-là les techniques, pour descendre en flammes le nouveau président
Le pire, nous viendrait des États-Unis. Nous entendrions un autre discours que celui de Joe Biden à Poutine. Mélenchon serait dépeint comme un nouveau Castro faisant le jeu de la Russie et de la Chine. Pire qu’un ennemi de classe, on lui trouverait des agissements dans son passé qui montreraient déjà le psychopathe dès la jeunesse. Il se pourrait même qu’on lâchât les baskets à Poutine empêtré dans une guerre de destruction massive en Ukraine, pour ne s’intéresser qu’à la nouvelle calamité.
Bref de partout viendrait des critiques négatives et une pluie d’objections à chaque fois que Mélenchon prétendrait développer son programme, promis à ses électeurs.
Devant la meute déchaînée, avec le seul soutien de la rue et de quelques intellectuels, dont Michel Onfray peut-être, Mélenchon ne pourrait qu’avancer à pas lent et s’en trouverait gêné dans ses démarches libératrices d’un monde aux antipodes du sien.
C’est alors que le peuple, versatile et inconstant, travaillé en sous-main par l’ensemble de la classe politique, pourrait faire défaut. Mélenchon verrait disparaître en quelques mois un rêve vieux de vingt ans.
Il ne resterait alors au président qu’à faire du Hollande, de renoncement en renoncement ou faire un éclat, gouverner par décrets et attendre un revirement de ceux qui l’avaient soutenu.
Mais le laisserait-on aller jusque-là ? Il y a tellement de tireurs d’élite de nos jours et c’est tellement bon marché le prix d’un homme…
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