La drôle de guerre
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En Belgique, on peut ressentir l’invasion de l’Ukraine par son voisin, comme l’impression d’en être aussi et cela pourrait s’appeler « une drôle de guerre ».
En mai 40, si Adolf n’avait pas foulé au pied la neutralité de la Belgique, nous aurions pu nous trouver dans la situation actuelle, avec cette fois nos amis Français comme victimes.
Entrer dans une drôle de guerre signifie que tout se focalise sur le conflit et comme nous avons pris parti pour l’Ukraine, nous servons de deuxième base de repli et accueillons les réfugiés comme s’ils étaient les nôtres. Encore une chose qui rappelle juin 40 : l’exode d’une partie de la population belge fuyant la Wehrmacht sur les routes de France.
Mais heureusement pour les Ukrainiens, Zaleski n’est pas Léopold III.
Reste que les coups portés contre la population civile ne nous atteignent que moralement, c’est indolore en apparence, alors que psychiquement nous en souffrons. .
En tout temps les guerres modernes qui englobent l’artillerie et l’aviation n’ont jamais respecté les populations. Il y a même une similitude de comportement entre Bush en Irak, Adolf à Stalingrad et Poutine à Kiev. Ce sont de sales guerres, sans principe et sans honneur. La vie humaine ne compte plus. Les armées espèrent en tuant beaucoup de civils, qu’une terreur s’emparera des soldats adverses et que l’abomination qui précédera l’arrivée des troupes victorieuses sera un facteur supplémentaire de réussite.
Des trois promoteurs des guerres cités ci-dessus se dégage une certitude, à savoir que s’ils étaient restés chez eux, des centaines de milliers de morts eussent été évités.
Il existe même un rapport évident entre le comportement d’Hitler et de Poutine. Tous deux motivent leur comportement au nom d’une unification, l’un des terres allemandes, l’autre des terres russes, cela au nom d’une Histoire de leur peuple qu’ils ont arrangées de manière à ne pas être contredits.
Il n’y a rien de plus faux en ce qui concerne l’Allemagne, divisée en autant d’état qu’il y a de Lander aujourd’hui. Quant à la Russie, un élément essentiel semble ne pas avoir troublé Poutine dans sa mégalomanie. Depuis le génocide de Staline qui fit des millions de morts de faim en Ukraine, les Ukrainiens se sont séparés des Russes à tout jamais.
Le destin des peuples évolue avec le temps. Les mentalités s’imprègnent de l’air ambiant et se transforment. Et si le peuple Ukrainien sentait dans sa volte-face vers nos démocraties que, tout aussi imparfaites fussent-elle, c’était ce type de société qu’il désire ?
Au nom de quoi, Poutine peut-il contraindre un peuple à vivre sous le régime russe actuel, autoritaire avec une opposition muselée, dans des perspectives imaginées par un seul homme, et une économie dévastée par des oligarques complices ?
Cette folie du maître du Kremlin ne s’arrêtera qu’à la reddition du dernier soldat ukrainien. Mais qu’adviendra-t-il d’une terre qu’il aura conquise en rasant ses villes et tuant ses habitants ?
La République populaire de Chine a avalé le Thibet en y injectant des millions de Chinois. Poutine ne pense tout de même pas repeupler le pays conquis par la population russe existante ? Cette population aurait dans ces dernières années vu sa démographie perdre quatre millions de personnes !
Au début du conflit, on a pensé qu’il remplacerait le gouvernement et son président actuel par des marionnettes à sa dévotion.
Trois semaines plus tard, personne ne le pense.
Le reste de l’Europe embarqué dans la drôle de guerre ne le permettrait pas.
Les quelques millions d’Ukrainiens réfugiés en Europe ne l’entendraient pas de cette oreille également.
Si Poutine s’accroche et veut rester en Ukraine, compte tenu des dégâts qu’il y aura occasionné et des forfaits qu’il y aura perpétré, l’Europe entraînée à refléter le problème des réfugiés ne sera jamais aussi proche de la troisième guerre mondiale que semblent vouloir éviter à tout prix les Américains.
Ainsi donc, nous n’aurions que postposé l’éventualité d’une guerre entre la Russie et l’OTAN.
La drôle de guerre se transformerait en guerre tout court, comme souvent par le passé, des pays neutres se sont retrouvés au cœur de la tourmente.
Pour l’heure, cette situation ressemble à l’ancienne, quand nos grands-parents écoutaient Londres sur le poste de radio à galène et fichaient des petits drapeaux alliés sur une carte d’Europe punaisée au mur.
Mais ils n’étaient plus depuis longtemps dans la drôle de guerre. Ils s’attendaient à ce que des brutes défoncent la porte de leur appartement et les emportent vers de vagues prisons dont on ne revient pas, pour intelligence avec l’ennemi.
Ce n’est que bien plus tard, bien après la Libération que Reggiani a chanté « Les loups sont entrés das Paris » et qu’avec humour Brassens préférait de toutes les guerres, celle de 14-18. Ce ne serait pas mal de les réentendre aujourd’hui. Cela ferait du bien au moral.