Les mots pour le dire/.
L’illusion d’avoir un scoop que personne n’a, n’a pas duré longtemps. « Mon scoop » s’est transformé en pavés dans la mare, au point d’en faire une carrière de pierre.
Joe Biden est un aimable vieillard, qui plus est préside les USA. Il ne croyait pas venir en Europe de sitôt. Les circonstances ont précipité un voyage impromptu.
À pas lents et comptés, il est passé en coup de vent à Bruxelles présider une séance de l’OTAN, puis prestement gagner la Pologne, sans passer par Laeken comme il eût été séant de le faire.
Il fit seulement le galant en se courbant pour saisir le praticable qui donnait accès aux micros de la tribune à Ursula von der Leyen, à Bruxelles, devant Charles Michel auteur du sofa-gates.
C’est un paradoxe que ce chef d’une grande Nation amie qui n’est pas directement impliqué dans le conflit européen avec Poutine, dont son pays même n’a que faire des rapports économiques avec l’Europe, sinon qu’il est le plus souvent en concurrence, soit le démiurge qui décide de la guerre et de la paix avec le maître du Kremlin, sur un continent qui n’est pas le sien !
Ses prédécesseurs eussent pu passer pour des calculateurs qui n’avaient pas à forcer leur talent pour infantiliser l’Europe. Elle s’est infantilisée toute seule. Ils n’ont eu qu’à l’accompagner dans ce renoncement à la puissance et à l’autonomie.
En pleine crise des valeurs, Biden vient y réaffirmer la prépondérance de son pays devenu modèle indépassable. Nous n’avons pas d’Armée, Biden vous offre la chasse à moins de 80 millions de dollars l’appareil. Nous manquerons de gaz l’hiver prochain ? Qu’à cela ne tienne, les industriels américains ont au bas mot 15 milliards de m³ de gaz de schiste à notre disposition. Les prix ? On s’arrangera…
Ursula von der Leyen est enchantée, Alexander De Croo aussi. Tout baigne. Charles Michel est aux anges. Depuis sa réélection sans concurrent, il est au petit soin avec tout le monde.
Il y a pourtant un os.
Biden est un fin diplomate. Il a une longue carrière de sénateurs derrière lui. Il a été deux fois vice-président d’Obama. La belle langue fleurie qui veut dire tout et son contraire, celle de la fine diplomatie les bras écartés du corps pour la poignée de mains devant les caméras, il fait ça très bien depuis toujours. Alors comment expliquer qu’il ait traité Poutine de boucher ? Ses propos sont tellement définitifs !
Dans l’entraînement de son bon cœur, peut-être, à la vue d’une grande misère de ces femmes et enfants d’Ukraine, son âme de grand-père se serait laissé aller, aux mots qui dépassent la pensée. Mais non, devant des journalistes accrédités à la Maison Blanche, il avait traité Poutine, la semaine auparavant, de criminel de guerre !
Il y a donc une volonté délibérée derrière cela !
D’autres se demanderont si Biden est trop expansif, trop sincère ou si ces accusations définitives au dictateur du Kremlin, ne cachent pas quelques intentions secrètes ?
Par exemple, les USA ont-ils intérêt à faire durer le conflit ?
En l’occurrence, négocier avec quelqu’un qu’on vient de traiter de boucher, paraît chose plus difficile, surtout quand on connaît Poutine,
Les USA jouent évidemment un double jeu. Washington obéit aux intérêts de Wall Street qui ne déteste pas le flou dans lequel l’Europe se débat dans la culpabilité naissante de la grande paresse qui saisit les vingt-sept depuis les années cinquante, quand la guerre froide, instiguée par l’Amérique d’Eisenhower allait petit à petit faire de l’Europe le commis zélé des grands échanges libéraux.
Si nous avons raté le coche après la chute de l’URSS pour faire de la Russie un grand ami de l Europe, nous le devons à l’Amérique effrayée de ce que ce grand marché aurait pu être.
Ce raisonnement arrive bien tard. Il n’est même pas encore accrédité dans les milieux européens de la finance où l’Amérique et le dollar sont invincibles.
Reste le mot « boucher » du sémillant président. Non seulement c’était inapproprié, mais encore Joe aurait pu penser qu’il en reste un fameux aux States. Un retraité qui fait de la peinture à l’huile « derrière chez lui » pour passer le temps et qui fut, en son temps, un sacré déclencheur de massacres et de brassages des populations, départ des guerres actuelles au Proche et Moyen Orient.
Il s’agit de « double you » Bush junior, le père n’étant pas mal non plus dans les « mangons ».
Le voyage de Biden en Europe, s’achève et on se demande vraiment, ce qu’il y est venu faire, sinon le VRP de ses propres intérêts ?