Par des mots, pas par des bombes.
Il y a des moments dans l’Histoire où tout s’accélère. L’intérêt est le fort éclairage que nous en recevons.
Ainsi, après avoir cru que l’homme valait beaucoup, on s’est aperçu qu’il ne valait rien à partir du moment où un État (Russie) se jette sur un autre (Ukraine), masquant ses motivations profondes en prétextes inventés, comme « tous les Ukrainiens sont des nazis et les nazis sont mes ennemis ».
Auparavant, la vie s’écoulait dans les lois du marché du système libéral. Sous la surface des eaux calmes des traités commerciaux, on y mourait d’inégalités, mais par étouffement et sans commune mesure avec l’Ukraine. Cela se savait à peine et les assassins avaient bonne conscience.
Nous étions à ce point confiants dans l’époque, que nous croyions que le monde des affaires avait pris définitivement le pas sur la barbarie, comme si le monde des affaires était exempt de celle-ci !
Il nous semblait que la prise de Berlin en 1945, par les troupes de l’Armée Rouge, fut le dernier acte d’une folie meurtrière. Nous n’avions vu dans les guerres suivantes de par le monde, qu’une suite de répliques au cataclysme de 40-45.
C’était une erreur.
L’Homme n’a pas changé et ne changera pas.
En ville, on s’attend désormais à tout. Il y a parmi la foule apparemment tranquille, des couteaux qui ne demandent qu’à être tirés des poches de passants aux apparences paisibles.
Aux frontières, c’est un septuagénaire ambitieux qui commande à deux cent mille hommes de se ruer sur un État voisin, suite à une pathologie héréditaire de l’instinct de mort qui veut celle des autres, préventivement à la sienne, par instinct de conservation.
Multiplié par l’hubris et la bonne opinion qu’ils ont d’eux, les tyrans, pour conserver un pareil trésor, se livrent à des exactions sur les autres.
Poutine en est l’archétype.
Pour comprendre son crime, il faut remonter à sa structure de penser. C’est un homme du moyen-âge à qui on a eu tort d’offrir un praticable (Boris Eltsine) qui lui a permis de marcher sur la table, et de coup de pied, en coup de pied, s’est hissé par la seule force de son intrigue dans le cœur d’un pays étrillé par 65 ans de communisme dénaturé par Staline, plus prompt à retourner à son asservissement qu’à son émancipation.
Les 85.000 participants du stade de football de Moscou venus acclamer Poutine fond froid dans le dos. Par leur jeunesse et leur enthousiasme, ils font revivre la "Zeppelin-Tribüne" sur le "Reichsparteitagsgelände", l’aire des congrès du parti nazi de Nuremberg, d’où Adolf Hitler avait harangué des milliers de SA et SS. À la nuit de Cristal en 1938, Adolf Hitler avait 49 ans. Poutine au stade de football en compte 70.
N'est-ce pas vingt de trop pour une carrière « longue » de dictateur ? Car, ils espèrent tous tenir au moins vingt ans au pouvoir, ne serait-ce que pour avoir du recul sur leur parcours, qu’ils considèrent comme une œuvre d’art ?
Mais Poutine est Russe. En parlant de ses soldats « admirables et efficaces », il part de l’illusion Potemkine, personne ne les voit, même si tous croient leur chef. Adolf, lui les montre, même si c’est une revue de ceux qui quelques années plus tard jonchèrent par millions les plaines de l’Ukraine à Stalingrad.
Dire comment les choses vont se passer dans les semaines à venir, personne ne le sait, même pas dans la tête de Poutine qui s’est trompé depuis les débuts de son offensive sur la résistance de l’armée ukrainienne.
La logique voudrait que le peuple russe, peuple intelligent et cultivé, dépose le tyran ; On sait que ce n’est pas chose facile et que parfois les insurgés sont massacrés par les partisans de celui qu’on veut chasser. Comme les révolutionnaires français de 89, le peuple russe à une tradition, celle de supprimer le chef défaillant. Cela n’a pas fait défaut pour Nicolas II, le dernier tsar, dans la cave de la villa Ipatiev à Ekaterinbourg, en juillet 1918.
Tout au contraire, par une sorte de rétablissement dont parfois ceux qui n’ont plus rien à perdre sont coutumiers, Poutine peut négocier et redevenir fréquentable après quelques temps, en montrant, par exemple de la bonne volonté dans ses fournitures en gaz et pétrole à l’Europe, toujours aussi demandeuse, après qu’il se soit retiré complètement d’Ukraine, évidemment.
Tout ce que l’on voudrait tient en peu de mots : l’arrêt des massacres et que les femmes et les enfants qui ont fui l’Ukraine puissent rentrer chez elles pour reconstruire le pays dans une paix retrouvée.
C’est rarement possible quand les peuples sont victimes des tyrans. Ceux-ci vont généralement au bout de leur folie. Mais s’il reste une chance, il faut la tenter.
" Il n'y a pas de fatalité extérieure. Mais il y a une fatalité intérieure : vient une minute où l'on se découvre vulnérable ; alors les fautes vous attirent comme un vertige. " écrivit Antoine de Saint-Exupéry en 1931.