De l’ironie et autres machins.
La ribambelle des officiels qui tient plus par l’influence d’un parti que par une capacité intellectuelle un emploi d’État, est en général satisfaite d’elle-même. Elle rassemble les parangons de la bêtise et décourage, dès le principe, tout véritable échange humain.
Ce mercredi nous aurons en sommet de la ribambelle des officiels, les deux meilleurs du genre.
Mais où est donc passé l’heureux temps de l’ironie légère, lorsque Clémenceau fustigeant un concurrent de la jactance s’écriait « Quand bien même j’aurais un pied dans la tombe, j’aurais l’autre dans le derrière de ce voyou ! ».
En un temps où tout qui n’est pas Centriste est extrémiste, une telle saillie finirait en procès.
Et c’est là le drame. Comment pratiquer encore l’ironie lorsque tout écart de langage est sanctionné ?
Charles Fourier (1772-1837) avait soulevé le problème des rémunérations d’une telle façon que Di Rupo l’eût traité de « communisss » s’il avait été de notre temps. Heureusement, pour lui, le PS l’a conservé dans un coin de sa mémoire parmi les précurseur sociaux. Et pourtant, tout le paradoxe des manières de tarifer le travail tient dans ces quelques mots qui aujourd’hui font hurler « L’échelle des rémunérations devrait être inversement proportionnelle à l’intérêt du labeur : très haute si ce dernier est pénible, très basse s’il est passionnant.
Celui qui poserait la question de ce qui ressort de la caverne de Platon, se verrait instantanément taxé d’extrémisme. De nos jours, il n’y a de controverses possibles qu’entre gens qui sont déjà d’accord.
La somme des éléments que l’on se procure aisément pour fonder une opinion ne nous permet pas de connaître l’avenir pour les mêmes raisons qui font que l’on ne peut parvenir à une explication nécessaire lorsqu’on procède à une analyse causale du passé. Escamoté les mille ans d’existence du Moyen-âge qui tiennent en dix lignes dans les manuels. Ce monde tant vanté par ses techniques, la qualité de sa médecine, ses approches de la connaissance de l’univers n’est pas suffisamment documenté sur son passé pour savoir d’où il vient et par conséquent où il va.
On se moque d’Anne Hidalgo et de son même pas 2 % de suffrages et on a raison d’y voir dans ce déclin du PS, la bêtise dans la première condition de cette chute. L’intellectuel de gauche racrapoté au tout dernier stade dans ce parti a cessé d’exister, bien avant le naufrage, quand la gauche est arrivée au pouvoir. Il a mesuré combien ce parti pouvait se passer de lui. Tout ce que le PS attendait, c’était qu’il vote et qu’ensuite il se taise.
Pourquoi dans l’existence actuelle la supériorité de l’homme n’est-elle plus démontrée ? Parce qu’on y a proscrit sous prétexte d’efficacité rentable, toutes les pensées « inutiles » d’où partaient jadis tous les enrichissements.
Dans cette fureur d’unir tout le monde sous un même crédo bourgeois-libéral, on a oublié la remarque de Gustave Flaubert « J’appelle bourgeois, quiconque pense bassement ».
Quoi de plus bas que l’achat et la vente sous l’impérieux besoin de bénéfice, tout le langage du MR résumé en ces mots ?
Comme le suggère Léon Bloy qui en avait la pratique « On ne peut être et avoir été – mais si, on peut avoir été un imbécile et l’être toujours « .
C’est exactement ça, nous sommes devenus des imbéciles, parce que les temps s’y prêtent, que les mœurs y conduisent et que les techniques en produisent par millions.
On en est arrivé à glorifier une sorte d’intellectuel « pratique », tout en priant l’autre le « non-pratique » de la fermer en termes choisis, ce que Simone de Beauvoir dans « Les Mandarins » récuse de deux manières par la démonstration et surtout par la faute d’un mot que tout le monde connaît mais que d’aucun pratique « Je suis un intellectuel. Ça m’agace qu’on fasse de ce mot une insulte : les gens ont l’air de croire que le vide de leur cerveau leur meuble les couilles ».
On peut tout faire avec des baïonnettes, sauf s’asseoir dessus, raille Talleyrand.
Cette ironie entraperçue parfois dans une pensée générale déclinante, n’est réveillée souvent que par des images que l’homme de talent saisit et donne en pâture à ceux qui ont encore les capacités de les trouver drôle.
Comme a dit Hobbes dans sa partie professionnelle « La meilleure preuve qu’il existe une intelligence extraterrestre, c’est qu’elle n’a pas essayé de nous contacter ».
Même les librettistes des feuilletons télé, comme les boulevardiers du type Palmade-Robin se gardent bien de faire rire sur les choses essentielles que notre société pudibonde glisse sous le tapis. On se borne à surfer autour des mots à la Feydeau du genre « L’argent ne fait pas le bonheur. C’est même à se demander pourquoi les riches y tiennent tant ! ». On s’arrête là. La moquerie suivante devenant « extrémiste ».
C’est une grande misère que de n’avoir pas assez d’esprit pour bien parler, ni assez de jugement pour se taire, conclu La Bruyère.
Ô combien l’Homme des Caractères a raison… ainsi moi !