Deuxième Tour !
Les électeurs français sont appelés aux urnes pour le scrutin présidentiel qui départagera le président sortant Macron de Marine Le Pen, arrivée en tête des autres candidats. Si c’était de bonne guerre que le président restât au-dessus de la mêlée, faire une non-campagne et passer quand même au second tour, en dit long sur les motivations de la bourgeoisie d’une alliance implicite avec les banques et le pouvoir occulte de l’argent, pour flatter leur poulain même restant à l’écurie, se moquant publiquement de la démocratie et de l’usage qui en est fait.
Les journaux n’ont pas attendu le fameux débat sur le front républicain pour faire barrage aux Le Pen, père et fille, depuis l’élection de Chirac. Ils ont entamé le couplet en affirmant leur enthousiasme pour Macron de façon assez gênante. On les savait attachés au pouvoir en place, mais à ce point, cela devient délicat pour eux et Macron, de vanter la liberté de la presse !
Quant au front républicain, il affiche de profondes lacunes à commencer par les Insoumis. Le discours de Mélenchon, à l’issue du premier tour, exhortait seulement les militants à ne pas voter Le Pen.
Vu d’un point de vue neutre extérieur, le choix entre ces deux-là n’est pas simple. Les acteurs sont sensiblement les mêmes qu’il y a cinq ans, l’extrême droite a encore gagné en puissance et les forces de gauche sont toujours aussi dispersées. Quant au président sortant, il ne peut plus entretenir l’illusion de la nouveauté qui l’avait porté au pouvoir. En témoigne son programme, improvisé sur le fil pour obtenir un maximum de suffrages de droite dès le premier tour, avec la retraite à 65 ans.
Le bilan du président sortant est on ne peut plus faible. Il n’a pratiquement entrepris aucune des réformes qui le fit élire par la droite et la gauche socialiste. Sa politique face à la pandémie est émaillée d’échecs, dont le plus cuisant est l’état dans lequel il laisse les hôpitaux publics. La guerre en Ukraine l’a sauvé une seconde fois de la redoutable mission de défendre son bilan. Son dialogue avec Poutine a tourné au ridicule. Il s’est rabattu sur l’Europe dont il est le président pour six mois. Là encore, il joue le grand destin des Européens contre celui de la France. Et pour cause, le sort des Français, la crise des Gilets Jaunes, les bas salaires, la montée des inégalités, il semble bien qu’il ne comprend pas.
Reste le contentieux de la déclaration de revenus du président. Où sont passés ses gains de la Banque Rothschild ? Après de multiples rencontres avec Peter Brabeck, le patron de Nestlé croisé à la commission Attali, le banquier Macron parvient à piloter le rachat des laits infantiles de Pfizer. La baston avec Danone est dantesque. La transaction est évaluée à neuf milliards d’euros. Grâce à son coup, Macron va se mettre « à l’abri du besoin jusqu’à la fin de ses jours ». C’était en 2012. Dix ans après, il serait sans le sou ?
Un second mandat de Macron comporte d’autant plus de risques pour les catégories populaires qu’il serait le dernier. Il pourrait se lâcher et montrer vraiment ce qu’il est : un bourgeois de droite.
Le projet libéral de Macron différé grâce aux “gilets jaunes” et à la crise du Covid-19 — ne connaîtrait d’autres limites que les chocs brutaux qu’il a la capacité de réduire et même de briser, sa police s’étant faite la main sur ceux qu’ils ont meurtris sur les ronds-points et dans les manifs.
A part Mélenchon qui a fait un très beau score derrière Marine Le Pen, les autres représentants des classes populaires se sont éteints, voire ont été atomisés dans la confusion extrême. Le sort des classes populaires ne semble pas passionner les candidats de droite et du centre. Le destin électoral des ouvriers et des employés oscille entre abstention et vote pour l’extrême droite. Ce cliché repose sur une représentation profondément erronée des forces sociales. Face à la coalition des bourgeois qui rassemblera spontanément la droite et le centre au second tour de l’élection présidentielle, les classes populaires demeurent numériquement majoritaires mais politiquement pulvérisées.
Dans le cas où Macron serait réélu, cette réelle majorité, mais dispersée, pourrait se réunir sur une provocation du pouvoir, rendant le plan inaudible de Macron sur ses réformes.
On sent que ce cas de figure est vraiment pris au sérieux, à la manière dont les journaux se comportent, très près du pouvoir et on le sait depuis les Gilets Jaunes, capables de mentir ou de minimiser sur certains faits accablant le pouvoir ou même d’en ressusciter certains, comme les 600.000 € que Marine le Pen aurait « volés » à l’Europe et qui résultent d’un litige non encore tranché sur la participation active des mandataires de son parti et d’elle-même à l’Europe.
Reste la candidate au siège suprême, venue deuxième sur le podium.
Est-elle devenue plus souple, plus près des gens avec une sincérité accrue ? On l’a dit toujours aussi mauvaise élève en économie, mais elle aurait fait des progrès sur les autres grands sujets : la défense, la protection des frontières, l’immigration, en ce sens qu’elle se serait servie des discours radicaux de Zemmour afin de passer pour intransigeante, tout en les édulcorant pour s’aligner sur une ligne empruntée au PS dont l’essentiel des militants votent Rassemblement National, depuis François Hollande et son quinquennat raté.
Front ou pas républicain, Marine Le Pen perd nécessairement des adhésions à son programme par la contrepropagande qui en est faite.
Sera-ce suffisant les 8 % portés sur la liste de Zemmour et reportés sur la sienne, tout au moins en partie, pour passer le deuxième tour ? On l’ignore.
Reste le débat entre Elle et Macron. On sait comme on peut y perdre tout en une phrase ou en une attitude. En résumé, la France est mal embarquée dans un match entre la peste ou le choléra, comme on dit de deux candidats en butte à des aversions profondes et des antagonismes irréconciliables, d’une bonne moitié de la population.