L’investiture.
Ah ! J’en avais envie à chaque quinquennat, de me promener à l’Elysée, de me délecter de ce cérémonial grotesque, d’entendre les discours vides de sens et lourds de redites généreuses qui n’aboutissent jamais. Enfin, délices suprêmes, suivre Macron entre deux haies de courtisans, tellement c’est jouissif de les voir, lui et eux, avant et après la poignée de main, les requêtes qu’ils préparent, le nombre de fois qu’ils se lancent mal à propos, tandis que le président sert des mains derrière eux.
Une première remarque, mais ça tout le monde s’y attend, dans ce grand salon rien de ce qui représente vraiment la France ! Les amitiés macroniennes ne tolèrent aucun syndicaliste, aucun chômeur, aucun citoyen modeste, personne qui finit son mois avec zéro euro dans les poches.
Rien que du beau monde dans cette assemblée admirative de l’encore jeune président !
La crème de l’État, des visages reluisants de bonheur d’être là, sous les lustres, leur vraie place pour toujours, donne un aperçu des têtes à claques d’un bourgeoisisme toujours présent.
Le début valait son pesant de cacahuètes. Laurent Fabius parachuté à la présidence du Conseil Constitutionnel par François Hollande, quand ça sentait déjà le roussi pour le PS, l’homme du sang contaminé et « responsable mais pas coupable » de la mort de centaines d’hémophiles, donnait le résultat de l’élection en voix, qui permet à Emmanuel d’en reprendre pour cinq ans.
Tout compte fait, très minoritaire ce président, avec une grosse majorité de Français qui lui ont tourné le dos et qu’il va faire semblant de comprendre, en les entreprenant dans de beaux discours sur mesure, reflétant même parfois l’exacte situation, mais inutiles parce que jamais suivis d’une action intelligente.
La suite est plus loufoque, c’est le général du Chose qui remet la grande croix de la Légion d’Honneur à l’Auguste, alors qu’il a encore celle du quinquennat précédent.
Il y a trop longtemps que le président ne l’a pas ouverte, pour que ça le démange d’une petite causette en tribune. Il s’y dirige d’un pas lent mais ferme. Trouve le discours préparé sur la tablette des micros. Silence recueilli de la foule béate. César attaque son premier discours.
C’est beau, bien écrit, style léché à la Brigitte. C’est ce genre de mouture à laquelle les Français auront droit pendant cinq ans. Cette merde est le régal des bourgeois.
On applaudit. Macron salue. Puis, il va à la foule, comme je les ai dépeints, elle et lui, plus haut.
Mais ça vaut le détour de revenir au bain de foule avec Brigitte derrière. C’est un bain aux huiles fines de son carnet d’adresse. Il a épinglé les huiles qui vont le faire reliure. Tout le gouvernement aligné comme à l’armée, Dupont-Moretti, Bachelet, Castex, Darmanin, Attal, tous les cadors, certains inquiets pour l’après élection, s’ils seront encore ministrables, d’autres, « je m’enfichistes », comme Bruno Lemaire, absolument convaincu d’en être, après juin.
Après ces casés aujourd’hui mais incertains demain, les deux présidents encore en vie, Sarko et Hollande. Macron passe, on sent que Hollande a préparé une vanne comique, mais Macron s’attarde sur la main de Sarkozy, ne la lâche pas, tapote de l’autre l’épaule de Nicolas. Il passe à regret. Il entend à peine le bon mot de Hollande et lui serre la main en regardant ailleurs.
C’est le grand bain. Il a fait bassine pleine.
Les journalistes qu’on ne voit pas tournoient derrière Brigitte qui ferme la marche officielle. Ces bougres cherchent la faille, l’incident invisible mais qui grâce à eux sera celui du jour.
Les bourgeois chics, la parentèle Trogneux, les parents de l’Invincible se tiennent groupés. Mais après c’est une vieille dame qui n’a pas suivi la consigne, qui s’agrippe au veston de Macron, abîme les beaux revers et finit par fondre en larmes. C’est la mère de ce prof assassiné par un cinglé fervent d’Allah ! Comment s’en débarrasser ? Macron la câline, la soutien, c’est ce qu’elle voulait. Elle se requinque. C’est la séquence « émotion » du carnet de Macron.
Juste derrière, c’est Emmanuel Vals qui attend son tour, entre le regard courroucé et le rire forcé, compatissant avec Macron qui tente de se séparer de la pauvre mère éperdue..
Enfin, son tour arrive. Vals joue son va-tout. Un député de la Macronie n’a pas voulu céder sa place de représentant des Français d’Outremer à l’ancien premier ministre de François Hollande. Tout est dans la mimique et des mots, la durée est de trente seconde. C’est fou comme Vals transpire l’hypocrisie, plus que transpirer, il suinte. C’est comme un transpirant du péritoine à l’approche d’un cancer.
Enfin Emmanuel et Brigitte ont fait le tour.
Séquence suivante, on voit César seul côté jardin de l’Élysée où il fait son premier salut au drapeau. Le voilà chef des Armées, il adopte l’attitude guerrière dont il ne se départira pas jusqu’à la fin de la mini revue.
Pauvre France ! Voilà que sa monarchie déconfite depuis belle, retrouve des couleurs fleurdelysées sous la cinquième République !
Tout est prêt pour l’émeute ! ce sera après les législatives, si Renaissance, le nouveau parti de Macron prend une casquette et que c’est la gauche qui gagne ou ne gagne pas les élections, qu’importe ! Car quelque soit le cas de figure, on va à la castagne avec les bourgeois, enfin ceux dont on a vu un échantillon ce samedi matin.