Le Chevalier de la Barre.
(Appendice à la chronique « Une prime pour tuer ».)
Une mise au point est nécessaire à propos de la chronique précédente « Une prime pour tuer ! ».
Dans une démocratie idéale, la laïcité est la règle commune. Toutes les religions doivent avoir un caractère privé. Tout débordement de celles-ci dans la sphère publique est sanctionné.
Le principe de la laïcité est supérieur aux religions !
Puisque l’immigration a permis l’introduction de la religion musulmane dans la sphère d’influence de l’UE, cette religion doit avoir les mêmes devoirs que toutes les autres religions. La laïcité est la règle générale, répétons-le avec force ! La religion devrait toucher les croyants de manière particulière et en-dehors du champ social et politique publics. Le prosélytisme sous forme de propagande intempestive pourrait être frappé d’interdit.
Hélas ! la société belge est loin du compte dans son organisation politique. La couardise prévaut. L’électoralisme fait le reste.
Il devrait être loisible au laïc comme au croyant de dire et critiquer quoi et qui bon lui semble en usant de sa liberté d’expression, quitte à être critiqué à son tour par ceux qu’il vise dans un débat privé ou même public, dans un respect mutuel, il va sans dire.
Il n’en est rien.
Ce serait naturel qu’une critique puisse être émise de toute religion par l’ensemble des citoyens.
Ces simples critères de bon sens qui devraient être prioritaires dans une démocratie, ne le sont pas de la faute des dirigeants politiques, pour mille raisons électorales, mais surtout par la peur que la religion musulmane inspire, mettant en cause quelques courants religieux violents.
Tous les musulmans ne sont pas salafistes. La majorité n’a jamais eu l’intention d’agresser Rushdie sur l’injonction d’un ayatollah. De même les chrétiens du temps de Torquemada n’étaient pas tous derrière ce dominicain-bourreau des incroyants. Cela n’empêche rien des exactions et des crimes. Si la chrétienté a connu des schismes dont le plus important est le protestantisme, le constat que sunnite et chiite sont deux courants de violence et d’affrontements dont la laïcité pâtit et souffre. Cela ne rassure personne.
Évidement l’immigration est un problème que les politiques ont du mal à traiter, mais qui n’est ici que l’élément vecteur d’une religion qui risque de déstabiliser l’UE qui n’a pas besoin de cela pour être dans la tourmente. Aussi, ce n’est qu’incidemment que l’immigration est traitée dans ces chroniques sur les religions.
On retiendra le mot de Karl Marx « La religion est l’opium du peuple ». Marx compare toute croyance mystique aux propriétés somnifères dans le sens où elle endort la capacité critique du peuple, le retenant ainsi de prendre conscience de l’inégalité du système capitaliste.
On entend d’ici le bruissement de mille murmures à l’Avenue de la Toison d’Or « bouchérienne », à propos de cette citation. Sauf qu’avant Marx, Emmanuel Kant décrit déjà, dans une note de « La Religion dans les limites de la simple raison », la religion comme un opium à travers la figure du prêtre, consolateur d’une fin de vie, qui, au lieu « d’aiguiser » la conscience d’un sujet, lui raconte des histoires sur l’au-delà pour l’apaiser. Anecdote ou non, cette métaphore kantienne pense la religion comme une éthique et une pratique intramondaine. Hegel utilise quant à lui l'expression d'« opium du peuple » pour désigner le seul hindouisme.
Il suffit de lire quelques lignes des mirobolantes aventures des prophètes, ayatollahs ou Saints des écritures pour leur préférer la lecture de l’Iliade et l’Odyssée d’Homère. Car ce qui confère une supériorité à ces poèmes grecs aux histoires à dormir debout des religions, c’est qu’ils ont été écrits par un grand ou plusieurs grands écrivains. Ah ! si encore le Nouveau Testament avait été écrit par Rabelais, le curé de Meudon, plutôt que par quelques tabellions froqués de bure !
On s’apprête à lire les derniers moments de la guerre de Troie ainsi que le retour d'Ulysse de cette guerre à sa patrie natale, l'île d'Ithaque, autrement de meilleure qualité que le prophète énonçant ses prophéties, toutes les plus saugrenues les unes que les autres, qui encore de nos jours, plus de mille cinq cents ans plus tard, obnubilent et électrisent des millions de pauvres gens.
J’aurais aimé finir par le point Godwin, sauf qu’au lieu de ramener tout à l’Adolf, j’aurais bien aimé ramener tout au chevalier de la Barre (1), décapité pour n’avoir pas enlevé son chapeau devant un Saint-Sacrement de passage dans la rue, comme il était courant de le voir au XVIIIme siècle.
Afin de lui rendre hommage, il ne reste plus qu’à le donner pour titre à cette chronique.
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1. Le chevalier François-Jean Lefebvre de La Barre, né le 12 septembre 1745 au château de Férolles-en-Brie et exécuté le 1er juillet 1766 à Abbeville, est un jeune homme français de famille noble condamné à la mort pour blasphème et sacrilège par le tribunal d'Abbeville, puis par la Grand-Chambre du Parlement de Paris. Après avoir été soumis à la question ordinaire et extraordinaire, il dut faire amende honorable, avant d'être décapité puis son corps brûlé. Son honneur fut défendu post mortem par Voltaire. François-Jean Lefebvre de La Barre est le dernier exécuté pour blasphème en France.