LES PIGEONNÉS DE LA ROUTE !
Au hasard d’une lecture : J-J Servan-Schreiber « Le défi mondial », Éditeur Fayard 1980.
La lecture des vieux bouquins a ce pouvoir fascinant de faire se confronter deux points de vue distants l’un de l’autre de quelques dizaines d’années. Le lecteur d’aujourd’hui a une longueur d’avance sur l’écrivain d’hier, puisqu’il sait ce que l’autre ignore. Quand il ne s’agit pas moins d’un événement aussi pointu que la fin du pétrole, les arguments du patron de l’Express sont révélateurs de l’impasse dans laquelle nous sommes.
Le sixième chapitre s’intitule « Le miracle noir ». On y voit les plus fins requins s’assurer des parts de la précieuse huile. Les coups tordus ne manquent pas. Les anciens chameliers devenus rois, négocient leurs dunes de sable en milliards de dollars
Depuis, les grandes compagnies pétrolières n’ont jamais été aussi prospères et aussi maîtresses des structures politiques des démocraties qu’elles tiennent par le licou.
Voilà que l’Europe entame un marathon d’ici 2035 pour se défaire de la bagnole à l’essence !
Au nom de quoi la Commission de Bruxelles s’active-t-elle ? Du dérangement climatique, de la couche d’ozone, de la montée des eaux, le tout dans une tentative de séduction des « durs à cuire » qui gouvernent le monde, le choix est vaste.
Après lecture, on peut avoir des doutes sur la sincérité d’une volonté des holdings de réduire les gaz à effet de serre et d’arrêter le dérèglement climatique par de réelles mesures. Ne s’agirait-il pas plutôt de ce que l’on avait prédit il y a plus de cinquante ans, à savoir l’épuisement progressif des nappes de pétrole qui obligerait de revoir de fond en comble la distribution de l’or noir dans de nouvelles priorités ?
Cela change tout évidemment.
JJSS remarquait en 1980 que la part de pétrole importé du Moyen-Orient était passée de 33 à 53 % dans les pays occidentaux, mettant ainsi la quantité de pétrole dans l’énergie produite à plus de 160 % du tonnage exporté des pays du Golfe, en moins de quinze ans !
Plus de quarante ans plus tard, les exportations ne se sont pas ralenties, au contraire !
Malgré la découverte de nouveaux gisements offshore, les réserves s’amenuisent, les grandes nappes s’assèchent. Il faut bien se rendre à l’évidence que de l’essence à la pompe, il n’y en aura plus pour tout le monde. Comme les profits supérieurs sont ailleurs, il faut bien pénaliser les petits clients, ceux qui râlent quand, à la pompe, le litre de super passe les deux euros.
Dans les choix possibles d’une économie du produit, l’automobile a été sacrifiée parce qu’elle touche plus les citoyens que les entreprises, puisque dans nos pays les voitures se comptent par millions.
Comme la pollution de l’air et le réchauffement climatique étaient devenus la préoccupation de la plupart des gens, il était donc tentant de trouver ce prétexte pour faire pression sur le public.
On oublie trop vite qu’il est hors de question d’arrêter le transport aérien gros consommateur d’un dérivé du pétrole et de tracer de nouvelles routes, comme de réparer les anciennes, avec de l’asphalte, un autre dérivé du pétrole. La pétrochimie est en expansion et n’est pas prête à limiter l’usage de sa matière première. Les usines et les raffineries tourneront toujours à plein.
La pollution restera énorme, les usines feront semblant de faire de l’écologie. Mais, c’est le plouc rural et l’ouvrier des faubourgs qui verront leur droit sérieusement entamé d’aller où bon leur semble.
L’industrie automobile serait touchée par l’arrêt des moteurs à explosion, mais survivrait grâce au moteur électrique. C’est la seule qui prend une claque en ce moment.
Tout le monde sait parmi les éléments pollueurs que la batterie tient la corde des produits polluant dans sa fabrication, son usage et son recyclage. À moins d’une invention comparable au moteur à essence, la voiture électrique aura un avenir limité. La consommation à la pompe sera en baisse, mais n’aura pas l’effet escompté puisque les camions et tout ce qui roule, comme les tracteurs agricoles, avec de gros moteurs, ne sont pas convertibles à la traction électrique.
Les industriels de mèche avec les politiques ont donc fait le choix délibéré de supprimer le moteur à explosion de petite ou de moyenne puissance afin de préserver ce qu’il leur semblait le plus approprié à la poursuite de leurs activités polluantes.
L’écologie, la préservation de la nature, la purification de l’air, l’arrêt du réchauffement climatique par des mesures drastiques, ces gens-là s’en fichent éperdument.
Les industriels comptent sur de nouveaux gisements en mer, notamment, pour faire tourner la machine à cash jusqu’au moins le siècle suivant, quand les citoyens peu nombreux rouleront dans des voitures électriques et que les moins aisés reprendront la route à pied, à cheval ou à vélo.
Autre source de pollution, les transports maritime, les paquebots de luxe de croisière, tout ce qui glisse sur l’eau usera toujours des énormes moteurs diesel avec un fuel dans des citernes contenant des quantités astronomiques de mazout, se répandant sur les océans en cas de naufrage.
Tout au plus verrons-nous quelques bateaux à voiles, histoire de faire « joli », sur les papiers glacés des magazines.