L’État violent ?
En principe, la violence est un monopole d’État. Sous l’autorité du Ministre de l’Intérieur, la police est en droit de disperser à coups de grenades lacrymogènes et de flashballs une manifestation qui « troublerait » l’ordre public.
Le tout est de déterminer ce que l’on entend par « trouble à l’ordre public » et c’est ici qu’on s’aperçoit que ce qui semblerait relever de la Justice en butte à la délinquance des rues, relève en réalité de la politique et de la majorité du gouvernement qui prend la décision en dernier ressort, d’utiliser des moyens violents.
On l’a bien vu lors de la crise des Gilets Jaunes, comment ce mouvement spontané issu de différentes classes sociales s’estimant lésées et humiliées a tout de suite été considéré par les Autorités comme une subversion dangereuse de l’extrême gauche portant atteinte à la sûreté de l’État. On se souvient des déclarations du préfet de police de la Ville de Paris, Lallemant, sur le caractère extrémiste du mouvement des Gilets Jaunes et de la répression sanglante qui s’en est suivie.
C’est d’autant étrange qu’à côté de cette répression excessive, compte tenu de la qualité des braves gens rassemblés sur les ronds-points pour une défense commune de leurs droits, le gouvernement Macron et Macron lui-même se soient empressés, par la suite, d’aller dans le sens des revendications de ces rassemblements spontanés ! On a vu Macron courir les Communes dans lesquelles ses supporters étaient en nombre pour tenir des discours soi-disant pacificateurs et qui n’étaient que des formules de glorification de soi.
Les images d’une foule au départ paisible et rendue furieuse par l’excessive répression de la police, parlent d’elles-mêmes.
C’est à l’occasion de cette flambée d’une colère indignée des gens, qu’on s’est aperçu que le recours à la violence contre l’État tend à perdre son caractère sacrilège, pour retrouver une légitimé dans le droit de manifester garanti par la Constitution, dès lors que la police déploie une force répressive disproportionnée à la manifestation.
Par inconscience ou provocation, la police représentante de l’État sur le terrain fournit alors des arguments pour que le peuple s’indigne et justifie un devoir de résistance à l’oppression.
À bien considérer la chose, toutes les violences se valent. Partis, groupes, ainsi que l’État lui-même sont à mettre dans le même sac. Que l’État puisse être assimilé à un gang tient à ce que dans les faits, il soit impossible parfois de savoir si un délit a un caractère politique ou de droit commun.
Dans une société aussi violente que la nôtre du seul point de vue économique, avec ses règles moralement injustifiées et cette façon de placer l’individu dans un esprit permanent de compétition seul contre tous, la violence est valorisée comme l’attribut des forts. Ceux-ci n’hésitent pas à imposer leur loi, l’argent achetant le pouvoir comme on achète des parts de marché dans une démocratie à vendre.
La démocratie devient un objet à qui veut le récupérer. Cette désacralisation de ce qui aurait dû rester au-dessus et en-dehors est très troublante. Sous l’emblème le plus significatif du libéralisme actuel, le critère est l’efficacité. Il n’y a plus de mauvais moyens dès lors qu’ils achoppent sur de bons résultats.
Dans les conditions actuelles d’ambigüité et de désenchantement avec la certitude que le libéralisme économique nous a trompés et que le peuple innocent va régler la facture, parce que les Grands Citoyens (ainsi ironisait G. Bernanos) qui ont le pouvoir n’entendent pas payer leurs erreurs, la violence est devenue banale. L’État et son mentor l’Europe ont choisi le camp des riches contre le camp des pauvres. La majorité de fait, celle des pauvres évidemment, est morcelée et va des caïds de quartier, petits délinquants revendeurs de shits aux travailleurs qui ne s’en sortent pas avec leur petit salaire qui n’est plus en osmose avec le coût de la vie. Cette disparité est injuste car elle permet d’amalgamer le pire et le meilleur, ce qui dans tous les cas laisse l’impression du pire à un pouvoir de mauvaise foi.
C’est ainsi que le management politique fait de la violence un instrument d’action qu’il sait rendre fiable et qui lui permet d’intervenir de la manière qu’il l’entend, quand il a distribué aux gazettes sa version des événements.
Nous sommes bel et bien enfermés dans un système « Argent et démocratie » dans lequel chacun est pris sans parfois y croire.
Ce système est violent par lui-même puisqu’il contrevient aux choix du plus grand nombre. Il fait croire à des élections justes et représentatives, comme s’il était établi que celles-ci par les voies discutables d’un vote de temps à autre, conduiraient nécessairement le peuple souverain à conduire l’État !