Quand Colette chronique au Soir !
Dans le grand assoupissement des deux mois d’apolitique, les familles font leur petit château de sable entre La Panne et Knock-le-Zoute, les gazettes oublient tout, tandis que les élites du gouvernement dépensent allègrement notre argent dans des cinq étoiles à l’étranger.
Dans la fournaise des bronzages rapides, on se confectionne des bicornes en papier journal du Soir magazine. Le côté pratique tient au nombre élevé de ses pages, toutes d’un inintérêt qui force l’admiration par l’épaisseur du couvre-chef. On ne lit qu’incidemment, juste avant la poubelle de l’appartement avec vue sur la mer.
On apprend que le charismatique Bouchez vient de placer à la tête des Affaires étrangères une ex-star du petit écran, sans rien demander à personne. Comme elle est d’origine maghrébine, quoique Belge 100 %, aucun doute à se faire sur la remontée de notre cotte d’amour d’Alger à Schaerbeek.
Une seule épine dirait Jean-Luc Crucke, s’il n’avait reçu l’ordre de la fermer définitivement, la donzelle est née à Boussu, commune du club des Francs Borains dont M. Bouchez est président.
C’est léger. Le Soir ne fait plus aucun rapprochement entre les besoins de la Belgique et ceux, privés, du président du MR, donc tout va bien.
Comme nouvelle fraîche, c’est mince.
Bref sursaut de la parution de ce week-end du 21, les démêlés du bourgmestre d’Anvers, Bart De Wever avec la drogue et la délinquance qui l’accompagne dans sa ville portuaire. Dédouané par Charles Michel, mieux exfiltré du mauvais côté du cordon sanitaire pour le triomphe du libéralisme, Le Soir balance entre une vive critique et une bienveillance attristée. Tant de méchants pourvoyeurs en train de filer des doses d’héroïne aux épaves humaines (heureusement qu’elles ne sont qu’humaines pour un port) entre la belle gare centrale et les darses de l’Escaut, est-ce possible en août ?
On en restera là. Mais que Bart se le tienne pour dit, surtout ne pas incriminer le Fédéral et l’entraîner dans sa mésaventure estivale ! C’est la condition de la mise en faisceaux des porte-plumes, pour un couvre-feux et des nuits paisibles.
À 3 € 50 le numéro, l’estivalier pourrait la trouver saumâtre, un peu chérot…
Aussi la rédaction voulant frapper un grand coup, a laissé la bride sur le cou à Colette Braeckman, éditorialiste à ses heures, avec l’autorisation de gambader à l’aise dans les gras pâturages ou pait d’habitude M’ame Delvaux. Non seulement l’éditorialiste en chef a pu partir au soleil des tropiques le cœur à l’aise, mais en plus Le Soir est assuré de cumuler une page d’humour involontaire à l’édito.
Le titre de la malheureuse dit tout « Le Congo pourrait aussi être un ‘’pays solution’’ ».
Tout de suite c’est du délire, après le Congo corrompu par ses élites, outragé par ses nouveaux coloniaux que sont la Chine et les Etats-Unis, ce que Colette a bien soin de nous cacher, livré aux bandes de pillards en tenue militaire de récupération s’auto-gérant colonel, ce pays magnifique est en train de virer en dépotoir d’où émerge, de-ci, de-là des terrils et des carrières.
Le seul atout de ce pays, madame Braeckman passe à côté. C’est le caractère enjoué, porté à de l’humour plus fin que ceux du Soir, de la bonté et de la générosité des Congolais. Enfin, cet enthousiasme malgré tout qui les porte à vivre, au jour le jour, avec la philosophie d’un Diogène.
Il me souvient de l’avoir écrit dans une chronique qui remonte à Mathusalem que le moins que la Belgique aurait pu faire si elle avait voulu effacer l’infamie de ses coloniaux, c’est d’offrir à tous les citoyens de l’ex-Congo belge du Matongé d’Ixelles, comme à ceux qui ont essaimé et fait souche dans nos communes, la double nationalité, celle naturelle de leur pays et la nôtre.
Madame Braeckman n’en est pas là. Après une longue divagation sur les infortunes de ce pays, elle se souvient ex abrupto qu’elle doit impérativement conclure par une couche de bons sentients.
Le Congo peut sortir demain de sa misère dont l’accable ses nouveaux coloniaux et ses chefs tribaux, pense-t-elle sans pouvoir aller jusque-là, quelquefois que son patron aurait des bons de caisse d’une société minière, quelque part dans cet immense pays.
« Il pourrait encore se sauver et contribuer à l’avenir de l’humanité à condition que, dans un sursaut de courage et de dignité, ses citoyens se décident à compter d’abord sur eux-mêmes… », écrit-elle en épilogue d’une large satisfaction d’elle-même.
C’est un comble de la part d’une citoyenne européenne archi rivée à la puissance coloniale des États-Unis, comme tout un chacun d’entre nous, sans pouvoir compter sur nous-mêmes pourtant dotés de caractères enjoués et pleins d’une volonté libératrice, de rendre responsable nos frères de Kinshasa de leur misère actuelle.
Ce culot quand même, de faire porter le chapeau aux populations africaines contraintes par différents tourmenteurs, y compris des Africains eux-mêmes, de vivre sous de nouveaux esclavages !
Non, madame Braeckman les Congolais ne sont pas responsables du sort qui les accable et le sursaut de courage et de dignité dont ils font preuve tous les jours ne suffira pas à les débarrasser du fléau qui les accable, tandis que d’autres se gobergent de leur richesse.
Patrice Lumumba l’avait bien compris avant tout le monde. Vous savez ce qu’il lui est arrivé ?