VEILLÉE D’ARMES !
Personne ne s’habitue à l’injustice. On s’y résigne, tout en conservant l’espoir qu’un jour on règlera les comptes avec les exploiteurs.
Le terme est vague. On pourrait ne pas s’adresser aux responsables proprement dit, comme au sortir de la deuxième guerre mondiale, quand on en a beaucoup voulu au général Piron chargé de désarmer les Résistants, alors qu’il exécutait les ordres du gouvernement belge retour de Londres où il avait été en exil depuis mai 40.
Il en est quand même sorti un constat toujours valable 77 ans plus tard « une démocratie véritable ne peut être établie que sur les bases d’une vraie justice sociale ».
Une fois les « héros » historiques disparus, les successeurs, revenus aux partis politiques, s’attelèrent à un ordre économique et social compatible avec sa contestation. Les Socialistes, encore fidèle à la charte de Quaregnon et les Communistes obtinrent le droit en Justice de faire grève et de se syndiquer, ce qui jusque-là n’avait jamais été transcrit dans une loi.
Tout ce formidable changement allait déboucher sur le pouvoir de négocier ses conditions de travail et créer un embryon des Conseils d’entreprise et de Sécurité-Hygiène.
Ces dispositifs entendaient bien neutraliser les velléités toujours présentes de violence sociale.
Enfin le droit primait la force, les parties se devant un respect mutuel. Les patrons étaient saisis à chaud au sortir d’une guerre dans laquelle la plupart d’entre eux avaient collaboré avec les Allemands et donc avaient à se faire petits et conciliants.
Les parties prenantes avaient pour la première fois compris que les rapports de force devaient se convertir en rapports de droit. Les temps semblaient venus d’une démocratie équilibrée dans laquelle se fondraient le juste et l’injuste, dans un modus vivendi acceptable pour tous.
Qu’est-ce qui a grippé dans le mécanisme au point que la belle mécanique s’est cassée ?
Les patrons ragaillardis par l’impunité, une fois leurs forfaits pardonnés, se remirent à rêver d’un pouvoir plus étendu dans un capitalisme revigoré, soutenu par les rodomontades des propagandistes d’une nouvelle droite libérale, celle d’un Perrin social-compatible bientôt débordé par Jean Gol et ses séides aux dents longues, Michel et Reynders.
Cela devait immanquablement aboutir à la globalisation d’un pouvoir économique tentant d’échapper à la contrainte démocratique. Bientôt avec la complicité des socialistes abandonnant les principes de la Charte de Quaregnon (les Communistes s’étant désintégrés dans d’infimes partis sans pouvoir) les politiques économiques furent mises hors d’atteinte des électeurs, le travail globalisant de l’Europe des 28 allait faire le reste en inventant le droit européen ultra-libéral !
C’est alors qu’au nom de l’efficacité et du progrès, la précarisation de l’emploi par les délocalisations rendit obsolètes les droits d’organisation et d’action des Travailleurs. Ce mouvement généralisé remit en question les qualifications professionnelles détruisant les barèmes de salaire pour une polyvalence au salaire unique.
C’était nier cinquante ans d’efforts de pacification par la négociation pour la venue d’un système cumulant les injustices et supposant dans le futur un retour aux violences.
Le globalisme d’aujourd’hui est son stade ultime.
Le néolibéralisme ou globalisme, puisqu’il faut appeler ce dernier avatar par son nom, tente de nous faire croire à un universalisme appelé à contrôler l’ensemble des lois humaines. Ce serait un ordre spontané qu’il serait vain de contester dans un marché devenu total !
Certains économistes nous la baillent belle avec des organisations sociales mondiales comme l’OIT (Organisation Internationale du Travail). Cela supposerait de cet organisme une solide réforme interne que je ne crois pas possible. Les observateurs voient bien cette mission impensable rien que par la nature de ses composants, comme celle d’insuffler à l’Union Européenne la dose de social qui lui manque.
Les libéraux qui semblent avoir tout pouvoir sur tout contrôle en sont arrivés à des systèmes de dressage qui tiennent lieu d’écoles. On n’entre plus à l’école pour « faire ses humanités » mais pour apprendre un métier d’avenir qui se révèle souvent une illusion sur le devenir de l’industrie.
Les humains sortent des études déjà maltraités comme des mécaniques réticentes qu’il est possible de « réparer » moyennent des logiciels adaptés. C’est la vieille histoire de la carotte que l’âne ne saurait atteindre, malgré ses efforts, mais qui le pousse à se surpasser pour une récompense inatteignable.
Ce que les libéraux souhaiteraient dans leur inconscient serait un retour au servage, comme ils l’essaient déjà dans l’ubérisation du travail. On ne va pas d’un trait supprimer la fonction publique, mais faire en sorte de paupériser les fonctionnaires, tout en usant d’une politique du chiffre impossible à réaliser dans les hôpitaux, la poste, les chemins de fer, etc.
Les temps sont venus où le peuple mis à rude épreuve doit se ressaisir et exiger, par la force s’il le faut, à revoir le Droit et les Organisations du travail dans le cadre d’une vraie démocratie et non de son simulacre.