« Ouverture de la chasse aux chômeurs ! | Accueil | DÉPÔT DE BILAN »

DES MOTS D’ARISTOS.

Je me souviens de l’école primaire d’il y a belle lurette. J’y suis passé et avec moi, bien d’autres garnements de mon âge. Ce n’est pas mon propos de la mettre sur un piédestal par rapport à celle d’aujourd’hui, d’en faire une chronique toute de nostalgie à sa gloire ; mais de me ressouvenir de ceux avec qui je partageai six ans d’école.
En six ans, on a le temps de se familiariser avec les condisciples parfois de la première à la sixième, qui ont usé leur fond de culotte sur les mêmes bancs.
En classe, aux récréations et sur le chemin du retour, j’avais appris à les connaître. Oh ! bien sûr sommairement, comme un enfant entre 7 et onze ans peut le faire.
Avec le recul et un décalage d’un demi-siècle, il est possible de faire quelques comparaisons intéressantes, entre le potache d’avant-hier et celui de 2022.
La classe était grosso-modo partagée en trois niveaux : les bons, les moyens, les faibles comme l’actuelle, la seule différence était entre les proportions des trois catégories. Les bons y étaient moins de cinq, les moyens formaient le groupe le plus important, les faibles rejoignaient en nombre les bons sur une trentaine d’élèves. Aujourd’hui le groupe le plus important accueille les faibles.
Tout est là ! Que s’est-il passé ? Démission des parents, relâchement des programmes, mauvaise adaptation des personnels aux modifications à n’en plus finir des instructions des ministères ? Il y a un peu de tout ça. Mais il y a surtout un trop grand afflux d’enfants qui n’ont pas été élevé dans la langue française jusqu’à leur scolarité et qui finalement prendront un retard irrattrapable sur la période cruciale de la formation primaire, à moins de les inclure dans un programme spécial, une école « comment bien s’exprimer dans la langue du pays d’accueil. De ce point de vue la Belgique, terre d’accueil, pourrait s’appeler également terre d’écueil.
Quand on ne comprend pas ce que l’on entend, on a peine à comprendre ce qu’on lit.
Je me souviens d’un camarade qu’on avait surnommé « pogn so’t gueûye » (poing sur la gueule), tant on pouvait dire des mots les plus en usage pour mettre un sens à la phrase, qu’il ne comprenait pas, ce qui le rendait furieux, croyant qu’on se moquait, d’où son « pogn so’t gueûye » une menace qu’il mettait souvent à exécution. Comme on est cruel à cet âge-là, c’était à qui le pousserait à bout, esquivant ses coups et fuyant dans un grand éclat de rire. Heureusement que Pogn so’t gueûye n’était pas rancunier.
Avec le recul, on peut penser que ses parents s’exprimaient encore en wallon, ce qui était déjà à l’époque peu courant, bien que les gens parlassent encore occasionnellement en wallon, dans la vie de tous les jours.

1aabonir7.jpg

On était loin du temps où allait affluer dans nos contrées des milliers d’émigrés, locuteurs exclusifs de langues très éloignées du français.
La perte de vocabulaire ou l’absence de vocabulaire dans notre langue est un des facteurs déterminants dans la montée de la violence dans les rues et les lieux de rencontre d’abord d’une certaine jeunesse, puis d’âge mûr. Que de crimes ont été ou seront perpétrés faute de mots !
La langue est en danger dès qu’un groupe important de personnes la parlent avec les mots qu’il peut, transformant en sabir toute conversation. L’art de bien dire devient impossible et ce sur les territoires de la francophonie, dès lors qu’un nombre conséquent d’individus ne s’expriment pas de manière compréhensible dans la langue officielle. On devrait presque souhaiter une forme d’épistocratie exclusive à la langue, du personnel politique ayant barre sur l’enseignement.
Ah ! l’art de la conversation, mais avant tout, l’art de s’exprimer avec des mots justes, quand le vis-à-vis les connaît et les pratique aussi bien que vous, est un des fleurons de la culture française.
Comme on demandait au cardinal de Bernis s’il avait une préférence pour le paradis ou l’enfer, il répondit qu’il préférait le paradis pour le repos et l’enfer pour la conversation.
Quoique parfois délectable, il n’est même plus question de parler comme on le pratiquait dans les salons des siècles passés. Nous ne sommes plus en ce siècle à la recherche d’un esthétisme ou d’un hédonisme dans des conversation de salon mondain. Cet art protéiforme si subtil dans ses codes ne nous concerne plus.
Mais comme il est agréable d’en lire les comptes-rendus à travers l’histoire des salons célèbres, comme cette langue aux multiples tournures même avec affèteries et atticisme nous manque. Comme la littérature de Flaubert à Hugo, de Sand à Zola, oui même Zola, perdue pour la plupart des locuteurs est un drame dont la langue risque de ne pas se relever!
Cet art fut presque perdu à la Révolution quand les conditions sociologiques qui l'avaient fait naître fit place à l’orateur véhément. Voulez-vous mettre fin à la violence ? Rouvrez les salons sous des formes moins élitistes. Démocratisez-les en passant par l’École de la parole.
Comprendre et parler le français est la seule exigence que l’on devrait imposer à ceux qui viennent d’ailleurs, cela dans un délai à convenir. C’est une question de vie ou de mort pour la génération qui suit la nôtre.

Poster un commentaire