Les violons de l’automne.
Ces chroniques n’ont jamais fait le coup de la nostalgie à personne, si ce n’est le « c’était mieux avant ? » qui traitait surtout d’économie politique, avec un point d’interrogation quand même.
Ce basculement dans l’automne n’est pas ordinaire. Sommes-nous en train de quitter une certaine manière de vivre, pour un avenir incertain semé d’embûches ?
Certes, cette manière de vivre est loin d’être idéale, elle est même, par certains côtés, condamnable. Ces chroniques ne cessent de la dénoncer ; mais elle est le produit de nos faiblesses pour un système économique subi et parfois honni, jamais adopté par le peuple, qu’il spolie des fruits de son travail.
Voilà l’automne à peine nommé, que s’installe le froid dans nos maisons et que le réflexe d’ouvrir les vannes de nos calorifères ne nous vient pas. On s’essaie à résister au froid.
Il y a quelque chose qui empêche ce réflexe. La peur de ce qui pourrait arriver ! L’ignoble facture dont un des zéros, au moins, sert à grossir la fortune des actionnaires.
Mieux encore, on pense aux spéculations des puissants sur les peuples en état de faiblesse. Comme écrivit Valéry « la faiblesse de la force, c’est de ne croire qu’à la force ». À l’économie en folie, on associe la guerre, celle qui fait rage en ce moment et qui fait trembler les poteries aux fenêtres de certains de nos partenaires, trop près des furieux combattants !
Le jour bascule dans la nuit. Les ténèbres gagnent du terrain. Il est fini le temps des cerises que certains n’ont pas mangées à plus de six euros le kilo, déjà touchés par les restrictions dans les prémices de ce qui arrive.
Pourtant on le savait que le néolibéralisme était une farce sinistre qui finirait en tragédie. Enfin, on le savait… dans une minorité distincte des engouements d’une majorité votant libéral par atavisme héréditaire.
Nous payerons notre insouciance au prix fort. La facture est lourde. On la sent comme un rhumatisme par temps humide. On passera à l'heure d'hiver le sachant ! La désolation redeviendra la norme jusqu'à mars et qui sait, après, si les suites de la désolation ne plomberaient pas le printemps ?
Car quel que soit notre état d’esprit, l’économie se fiche de nous et trace sa route sans notre avis. La dette souveraine augmente avec l’inflation et rappelle la hantise de la remontée des taux d’intérêt… jusqu’au prix du pain. Tout a de l’importance !
Sans compter que nous sommes au septième mois de guerre en Ukraine qui n’avait rien demandé et la Russie qui n’aurait rien demandé non plus, sans le fou du Kremlin. En Mars qui « se rit des averses et prépare en secret le printemps », ce conflit aura un an !
Enfin, s’il va jusque-là avec les aléas et les retournements, une balle qui éclate la tête du locataire du Kremlin ou le même, à la veille d’être déposé, posant hystériquement un index furieux sur le bouton rouge de l’apocalypse. Voilà qui raccourcirait le parcours du combattant ! Comme dans la pétaudière ils sont deux, même si le Russe partait en fumée ou en sucette, Zelenski lui, serait toujours là, armé de pied en cape, en guerre, quoi qu’il arrive ! Il tient à son rôle d’agressé. Il nous en dit tous les jours l’intérêt, pendant que nous notons la liste des provisions en cartouches et en bombes qui ne cessent de s’agrandir, livrés à domicile séance tenante.
Ne venez pas me dire que les lumières de l'automne sont les plus belles, les feuilles des arbres plus colorées et les insectes plus actifs dans la pourriture régénératrice des sols !
L'automne serait la saison de toutes les brutalités et des renoncements définitifs. La nature se rebelle contre nous et non sans raison, après ce que nous lui faisons subir. Nos actions font le reste. Vous avez remarqué ? Depuis février 2022, elles sont toutes déraisonnables.
Le printemps reviendra, c’est certain, avec nous ou sans nous.
Si on voulait une vie pénible, on irait lutter avec nos sœurs d'Iran qui veulent mettre les voiles sous les serpillères comme chiffons de remplacement, nous cesserions de gifler nos campagnes et revenus victorieux d’Iran, nous irions jusqu’au Kremlin prendre l’autre despote à la gorge.
À défaut de détester cette vie pénible, nous en avons choisi une autre qui pourrait à l’usage se révéler plus pénible encore. Comme nous ne le savons pas, nous y avons jeter notre va-tout. On récrimine, vitupère, mais c’est sur papier. En fait d’activité on donne des encouragements aux insurgées d’Iran en écrivant de beaux articles de nos correspondants de guerre, depuis le marbre du journal et pendus au téléphone. On se met dans le rouge pour aider nos frères ukrainiens, mais notre coup de main ne doit surtout pas déplaire au camp d’en face.
Cet automne, en attendant Godot, nous soutiendrons les bonnes causes que nous désignent notre pygmalion américain. Nous baisserons le chauffage, ferons des soupes qui tiennent chaud et espérerons qu’au printemps, nous serons toujours là à soigner nos trouilles, dans notre maison de paille du plus imprévoyant des « Trois petits cochons ». Qu’importe quel loup de passage choisira un d’entre- nous pour le dévorer. En priant le ciel de passer inaperçu, pourvu que cela ne soit pas moi, pensons-nous tous ! .
Résistons jusqu’à avril, on sera au printemps.