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Ordre et désordre.

« Je m’intéresse à n’importe qui, sauf aux autres » a écrit Cioran, dans un excès de haine envers lui-même.
Il a tort. Des institutions qu’on crée au nom de l’autorité supérieure de l’État s’intéressent à nous, au point que nous soyons obligés de penser à elle.
C’est notamment le cas de la police.
On peut, badaud discret, peu pressé de rentrer chez soi, être happé par une manifestation, un fait-divers, un attentat, se faire embarquer avec des inconnus pour un commissariat, être malmené parce qu’on se trouvait à un mauvais moment à un mauvais endroit ou tout simplement finir à l’hôpital avec un œil crevé sur un ordre d’un gradé du ministère de l’intérieur de tirer dans le « tas ».
C’est un débat actuel en France sur la dangerosité de se trouver à proximité d’un contrôle de police et le refus d’obtempérer d’un automobiliste. Ça dégaine vite et on comprend la frousse du fonctionnaire qui se fait rouler sur les pieds par un conducteur qui ne veut pas qu’on le contrôle.
Mélenchon trouve que la police en fait trop sur la voie publique, la droite pas assez et Macron juste ce qu’il faut. Ce doit être à peu près le même raisonnement en Belgique dans l’opinion généralement rassemblée en trois courants : gauche – centre – droite.
L’époque est plus violente que celle d’hier pour au moins un facteur dont personne ne tient compte : l’individualisation accélérée des groupes sociaux soumis aux règles du marché et de l’économie libérale. Le système économique est violent par nature, sa pression sur l’individu génère de la violence.
Le reste fait débat : immigration, drogue, rejet des centres villes de ses anciens habitants par gentrification et destruction d’anciens logements, clochardisation des inadaptés, terrorisme, ghettoïsation par culture et religion importées. Même l’insécurité dénoncée engendre de la violence, parce qu’elle sous-entend l’illusion dangereuse du contrôle de la vie sociale. Il est bien connu que les majorités silencieuses demandent l’ordre par une augmentation des effectifs de police et une technocratie de pointe.
De tous temps, même lors des périodes heureuses où le crime était rare et l’obéissance civique répandue, l’ambigüité de la police dans ses fonctions et sa manière d’agir a toujours été un sujet de controverses. Les contrôles de la police par une autre police se font presque toujours entre compères. Les policiers font corps pour défendre leurs collègues et c’est un réflexe d’autoprotection en protégeant un collègue, on se protège soi-même. Sauf preuve ou témoignage sérieux, les vérités de la police sont les vérités du juge d’instruction. L’accusation d’outrage à agent dans l’exercice de ses fonctions est une tarte à la crème dont usent et abusent certains policiers.

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La police est en principe une institution soumise au système judiciaire aux fins du droit et aussi une agence de contrôle social, cassant des mouvements populaires et des grèves sous le prétexte d’assurer l’ordre sur la voie publique. Sa mission est aussi socialement contestable et préventivement discutable.
Selon les gouvernements dont elle est l’émanation, elle est éminemment politique.
Cette dernière fonction tend à lui transférer la charge d’apprécier ce qui est conforme à l’ordre et ce qui ne l’est pas et à lui faire voir la procédure légale comme l’obstacle. N’entend-on pas régulièrement les policier eux-mêmes se plaindre en chorus avec le public, qu’un délinquant arrêté est aussitôt remis en liberté par les autorités judiciaires ?
Le souci de la sécurité, de la surveillance et de la prévention a pour conséquence l’hypertrophie de la fonction du policier. Cela s’appelle en d’autres termes une justice sur le terrain rendue par des fonctionnaires qui n’ont pas pour mission de faire justice sans procès.
La détention prolongée et les interrogatoires au siège de la sûreté, dans les casernes ou dans les appartements discrets loués par une police politique seraient l’aboutissement dangereux de ce désir de la droite de reprendre les choses en main pour que l’ordre règne.
On n’en est pas là, mais le risque est grand pour que cela le devienne.
On a vu lors de la vague d’attentats fomentés par le prosélytisme musulman, jusqu’où pouvait aller l’État sous prétexte de rassurer les populations.
L’absurde rejoint la réalité et témoigne de ce qu’au nom de la démocratie, le ministre de l’Intérieur peut aller en Belgique, jusqu’à nier ses principes. Son homologue français Darmanin s’est illustré plus d’une fois, dans l’art de ne pas dire une vérité qui le dérangeait pour construire une version dont personne n’est dupe.
On le sait. Et qui mieux que Paul Valéry peut en convenir : « L’État est un être énorme qui ne vit que par une foule de petits hommes qui en font mouvoir gauchement les mains et les pieds inertes, dont le gros œil de verre ne voit que des centimes ou des milliards. »

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